Les députés africains coupés des réalités
16 mai 2018Les élus africains perçoivent une rémunération qui repose sur un salaire de base auquel s'ajoutent différentes primes et avantages en nature. De ce point de vue, leur situation est peu différente de celle de leurs homologues européens.
Sur la base d'une enquête conduite avec la collaboration de nos correspondants dans une vingtaine de pays du continent, le premier constat qui s'impose est que le salaire des députés varie entre deux extrêmes.
Au sommet se trouvent les pays anglophones comme le Nigeria, l'Afrique du Sud et le Kenya où les émoluments des élus du peuple n'ont rien à envier à ceux que perçoivent leurs collègues allemands, français ou même les eurodéputés à Bruxelles.
Avec 12.000 euros par mois par député, le Nigeria est même largement au-dessus alors que 49,7% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, défini par la Banque mondiale à 1,90 dollars par jour.
En revanche, dans des pays comme la Guinée Bissau, le Niger ou le Mali, les salaires des élus sont faibles - les députés maliens ne percevant par exemple qu'environ 500 euros par mois.
En moyenne, sur la base de l'enquête de la DW, les députés africains perçoivent un salaire de base d'environ 3.000 euros par mois.
100 fois le revenu par habitant
Les inégalités sont plus criantes encore lorsqu'on compare le salaire des députés africains avec le revenu national brut par habitant (RNB).
Les écarts entre la richesse des élus et le revenu par tête dépassent le rapport d'un à 100 dans des pays comme le Nigéria, la Centrafrique et l'Ouganda.
En République démocratique du Congo (98 fois plus) et au Burundi (87 fois plus) les écarts sont aussi très élevés alors que ces deux pays ont des taux de pauvreté très élevés - respectivement 77,1% et 71,7%.
En la matière, les standards européens tournent autour d'un écart d'un à trois entre les revenus des députés et le revenu national par habitant.
Sur le continent africain, seul un pays comme la Tunisie (sept fois plus) se rapproche de ce genre d'écart.
Prime de "bonne vendredi"
La faiblesse relative du salaire dans certains pays est par ailleurs compensée par un faisceau de primes et d'avantages perçus par les députés ou les ministres.
Au Bénin par exemple, un député bénéficie d'un véhicule de fonction, d'une dotation mensuelle de carburant, de la sécurité sociale, d'une couverture médicale, d'un passeport diplomatique pour toute la famille, d'une indemnité de logement et de diverses indemnités liée à sa fonction.
En Centrafrique, où 66,3% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, les élus bénéficient d'une prime de session pour trois mois de 1.029 euros et de 533 euros, au terme de chaque session parlementaire, en vue du retour dans leur circonscription respective.
Dans ce même pays, les ministres ont pour leur part droit à une prime de "bonne vendredi" de 228 euros : une enveloppe délivrée tous les vendredis pour leur permettre de gérer leur weekend, recevoir des visiteurs ou acheter leur carburant.
Au Mali, le salaire de base assez faible est compensé par une prime de loyer estimée à 2.280 euros, une prime de session de 1.368 euros et diverses autres attributions destinées à couvrir les frais de carburant et de téléphone.
Au Sénégal, si un député possède le droit à un véhicule de fonction et 300 litres d'essence par mois, ce privilège est porté à deux véhicules et 1.000 litres d'essence pour le président de l'Assemblée nationale.
A titre de comparaison, un eurodéputé perçoit un salaire mensuel de base de 6.710 euros auquel s'ajoutent une prime de présence de 313 euros par jour, un budget mensuel de 24.164 euros pour rémunérer les assistants parlementaires et 4.320 euros d'indemnité pour frais généraux.
Concernant ces frais généraux, le manque de transparence et l'absence de contrôle du Parlement européen sur la manière dont cet argent est dépensé est régulièrement dénoncé par des audits parlementaires sans que rien n'ait jamais été modifié.