Le SPD allemand tiraillé face à Merkel
20 janvier 2018Le patron du SPD, Martin Schulz, est dans une position délicate après l'accord conclu vendredi avec les conservateurs d'Angela Merkel. Si les dirigeants du parti ont donné leur feu vert à l'ouverture de négociations pour une nouvelle alliance gouvernementale, cette perspective est loin d'enchanter les militants de la base.
Tiraillé depuis ses origines
Le SPD en a essuyé, des tempêtes, depuis sa création en 1890. Traditionnellement engagé pour défendre la cause ouvrière, le parti a accompagné les évolutions de la société allemande tout au long du XXème siècle, toujours tiraillé entre son aile gauche et son aile centriste. Il a survécu à deux guerres mondiales, changé d'orientation dans les années 1960 et fourni trois chanceliers à l'Allemagne d'après-guerre.
Le tournant de l'Agenda 2010
Mais ces dernières années, les électeurs se sont de plus en plus détournés du parti. Il y a eu l'Agenda 2010, un programme de réformes lancé en 2003 par le chancelier Gerhard Schröder et ses alliés écologistes. Avec la réduction de l'assurance-sociale et l'instauration des mini-jobs mal payés pour lutter contre le chômage de longue durée, de nombreux partisans du SPD ont eu l'impression d'être sacrifiés sur l'autel de la croissance.
Deux grandes coalitions, une seule gagnante
La contestation entraîne la scission du SPD et la naissance, plus tard, du parti de la gauche radicale Die Linke. En 2005, Angela Merkel remporte les élections anticipées et les sociaux-démocrates se voient contraints de former une première grande coalition avec les conservateurs. Cela ne leur réussit pas.
Aux élections de 2009, le parti, en position de faiblesse par rapport à la chancelière, réalise un score historiquement bas. Il revient aux affaires en 2013, mais de nouveau en tant qu'allié d'Angela Merkel. Et les luttes intestines reprennent de plus belle.
Quatre ans plus tard, ce sont les partis des extrêmes - Die Linke pour la gauche et l'AfD pour la droite - qui profitent de l'absence de positionnement clair du parti. "Le SPD fait face à plus de concurrents et se retrouve pris en étau", explique Thomas Poguntke, directeur de l'Institut de recherche sur les partis à l'Université de Düsseldorf. "Comme il y a davantage de partis, chacun est forcément plus petit et au sein du SPD, on n'a pas encore réglé la question de savoir si on veut plutôt s'orienter vers le centre ou revenir aux valeurs de la gauche."
"Pris en étau"
Après les élections fédérales de septembre 2017, le SPD a de nouveau enregistré de lourdes pertes au profit des petits partis. Pas étonnant, dans ces conditions, que les militants rejettent l'idée d'une grande coalition dont ils sortent toujours perdants. "Le parti est maintenant divisé entre le souhait de se rassembler au sein de l'opposition et la pression de participer à une grande coalition, affirme Thomas Poguntke. Et de mon point de vue, il n'est pas du tout sûr que la base suive. Cela pourrait se terminer en débâcle pour la direction du parti."
Les demandes d'asile en baisse
Il reste six jours à Martin Schulz pour convaincre les délégués récalcitrants avant le congrès. Et alors que la politique migratoire est l'un des principaux points d'achopement entre les conservateurs et les sociaux-démocrates, les nouveaux chiffres des demandes d'asile, publiés ce mardi par le ministère de l'Intérieur, semblent plaider pour une alliance.
En 2017, 186.000 personnes ont demandé l'asile à l'Allemagne, soit une forte baisse par rapport aux années précédentes. L'accord de principe conclu entre conservateurs et sociaux-démocrates prévoit une limite de 180.000 à 200.000 du nombre maximum de demandeurs d'asile arrivant chaque année dans le pays.