Comment fonctionne le système électoral américain ?
4 novembre 2020C'est l'une des institutions les moins bien comprises, et pourtant elle pèse lourd dans l'élection présidentielle américaine: le Collège électoral.
Inscrit dans la constitution américaine en 1787, cet organe est actuellement composé de 538 grands électeurs, également appelés "délégués". Ce sont eux qui détermineront qui sera le prochain président des États-Unis.
Chaque État a le même nombre de grands électeurs qu'il a de représentants dans les deux chambres du Congrès. L'État le moins peuplé, le Wyoming, compte ainsi trois délégués, tandis que le plus peuplé, la Californie, en a 55.
"Quand vous votez pour une élection présidentielle américaine, c'est en fait pour une liste d'électeurs que vous votez", explique Ken Kollman, professeur de sciences politiques et directeur du Centre d'études politiques (CPS) de l'université du Michigan.
"Donc, lorsque vous votez pour le parti républicain ou démocrate, vous votez pour une liste d'électeurs républicains ou démocrates. Ce sont eux qui, dans chaque État, élisent le président après le vote populaire".
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La plupart des délégués sont élus ou responsables locaux de leurs partis, leurs noms n'apparaissent pas sur les bulletins de vote et ils sont généralement inconnus du grand public.
Le Collège électoral, histoire d'un compromis
À l'origine, le Collège électoral est un compromis entre les auteurs de la Constitution américaine, qui estimaient que le Congrès devait élire le président, et ceux qui défendaient un système décentralisé qui permette d'éviter une concentration du pouvoir.
Avec ce système de suffrage universel indirect, le Collège électoral est un filtre entre l'idéal du vote populaire (une personne, une voix) et la nomination des dirigeants de la nation.
Les 48 États désignent leurs délégués selon le principe du "winner-takes-all" (règle de l'unité). Il est ainsi possible pour des candidats à la présidentielle de remporter la majorité des 270 voix du Collège électoral tout en ayant perdu le vote populaire, simplement parce qu'ils ont gagné suffisamment de voix dans des Etats-clés.
Cela s'est passé cinq fois dans l'histoire des États-Unis - la première avec Quincy Adams, en 1824, vainqueur contre Andrew Jackson - mais deux fois déjà depuis le début du XXIe siècle: George W. Bush en 2000 et... Donald Trump en 2016.
Les "swing states" mènent la danse
Les États-clés, appelés "swing states", sont ceux où le vote n'est pas traditionnellement acquis à l'un ou l'autre des deux grands partis en lice, républicain et démocrate. Pour les candidats à la présidentielle, il s'agit d'obtenir le plus de voix dans ces États qui peuvent faire basculer l'élection.
Les défenseurs du Collège électoral affirment que ce système oblige les candidats à se rendre davantage dans les zones rurales du pays, et pas seulement dans les grandes villes les plus densément peuplées.
"En réalité, c'est un peu plus compliqué que cela", souligne Ken Kollman. "Les candidats ignorent déjà de vastes portions des zones rurales du pays. Mais si vous êtes dans une zone rurale d'un Etat-clé, alors ils vous prêtent attention."
Le Maine et le Nebraska sont les seuls États à désigner leurs délégués non pas selon la règle de l'unité, mais en fonction des résultats du vote populaire et de celui des votes de district du Congrès de l'État. Cela leur permet de répartir les délégués entre les candidats.
Résultats officiels le 6 janvier 2021
Les délégués se retrouveront le 14 décembre dans leurs Etats respectifs, soit le "premier lundi après le deuxième mercredi de décembre", tel que le stipule la loi américaine, pour élire le président et son vice-président.
Ils enverront leurs votes au Congrès qui se réunira en session conjointe la première semaine de janvier. Le nom du président élu sera annoncé solennellement par le vice-président sortant, en sa qualité de président du Sénat.
Le 6 janvier 2021, c'est à Mike Pence qu'incombera cette tâche.
Trop de poids pour les petits États?
Les détracteurs du Collège électoral estiment qu'il prive des millions de personnes de leur droit de vote en donnant un poids disproportionné aux Etats les moins peuplés.
Selon les données de la Commission électorale fédérale américaine, un délégué du collègue électoral du Wyoming représente environ 190.000 électeurs, tandis que le même en vaut près de 720.000 en Californie.
"Plus de la moitié des États ont davantage d'influence à travers le Collège électoral que ce qu'ils en ont par le vote populaire", affirme Ken Kollman.
Selon lui, toutefois, le Sénat représente un problème bien plus grand que le Collège électoral en termes de poids politique des régions rurales.
C'est un "organe dramatiquement disproportionné, où les petits États sont largement surreprésentés par rapport aux grands".
Le cœur de cible de Trump bien représenté
En 2016, Donald Trump a remporté les États-clés du Wisconsin, du Michigan, de la Pennsylvanie et de la Floride, avec une majorité extrêmement mince, mais la règle de l'unité lui a permis de gagner 75 délégués.
Cette année, son électorat cible - des électeurs blancs non diplômés - est surreprésenté dans la plupart des États qui comptent pour l'élection: Arizona, Géorgie, Floride, Michigan, Minnesota, Caroline du Nord, Pennsylvanie et Wisconsin.