L'éducation, un droit fondamental
4 mai 2012Savoir, c'est pouvoir - c'est ainsi que le philosophe anglais Francis Bacon posait, il y a quatre siècles, le fondement philosophique de la prise de conscience. Aujourd'hui, sa thèse tient encore la route et partant de là, il est clair que l'éducation est la condition élémentaire pour un développement économique et politique. Elle l'est aussi pour la démocratie et la justice sociale. Les récents événements mondiaux en sont la preuve. Les mouvements de protestation dans le monde arabe, débutés en Tunisie, sont de ce point de vue particulièrement évocateur.
Du statut de perdant à celui de gagnant
Ce sont les intellectuels et la classe moyenne qui ont soutenu les mouvements de protestation. Les jeunes étudiants et diplômés, entre 20 et 35 ans, se sont particulièrement engagés dans cette révolution. De Rabah à Riad, des médecins, ingénieurs et journalistes ont lutté pour plus de liberté, plus d'implication dans la gestion du pays et plus d'accès équitable au marché du travail. Mais la victoire est récente et a besoin d'être consolidée par des élections et des institutions démocratiques.
Beaucoup de dirigeants arabes avaient peut-être perdu de vue les vertus de l'éducation. Or, l'éducation permet de mieux s'impliquer dans la société. Les mouvements de protestations ne se seraient jamais produits si le système scolaire et universitaire dans les pays arabes n'était pas solide. Selon l'indice de développement humain, les pays arabes ont commencé il y a déjà deux siècles à renforcer l'accès à l'éducation. Le succès est aujourd'hui visible. Même l'ex-président tunisien Ben Ali n'hésitait pas à faire des réformes dans le secteur éducatif.
Un nombre de plus en plus important de personnes ont bénéficié d'une bonne éducation mais malheureusement sans perspectives pour leur avenir professionnel. Le problème est que toutes ces possibilités ont toujours été réservées aux clans proches du pouvoir. Ce manque de perspectives explique en partie pourquoi le taux de chômage a atteint 40% en Tunisie. Des dictateurs comme Ben Ali auraient sans doute misé moins sur l'éducation s'ils s'étaient aperçus dès le départ des conséquences émancipatrices qu'elle engendrerait.
Un droit humain élémentaire
Sans éducation pas de développement. La communauté internationale l'a reconnu depuis longtemps et en a fait la base d'un engagement et d'un droit politique. C'est pourquoi le deuxième objectif du millénaire pour le développement des Nations unies exige que l'éducation soit assurée à tous. L'état de l'éducation s'améliore donc progressivement avec des différences selon les pays. Le taux d'accès à l'école primaire a atteint 89% entre 1999 et 2009, soit une augmentation de seulement 7%.
Toutefois, le progrès a connu un ralentissement ces dernières années. Ce qui explique que le deuxième objectif du millénaire ne sera pas atteint d'ici 2015, en tout cas pour ce qui concerne certaines régions d'Afrique et d'Asie. Sur 100 élèves dans les pays en voie de développement, seuls 87 arrivent à terminer l'école primaire. Dans certains pays pauvres, c'est pire encore : quatre enfants sur dix abandonnent l'école sans avoir fait le CM2. Dans les campagnes et les régions en guerre, les enfants ont encore moins de chances d'aller à l'école. Les filles sont comme d'habitude les plus désavantagées. Il y a donc encore beaucoup à faire.
Pas de développement sans éducation
Les pays émergents d'Asie comme l'Inde et la Chine semblent l'avoir compris. Ils voient en l'éducation un avantage économique. Il y a 50 ans, la situation économique de la Corée du Sud était encore plus critique que celle de certains pays africains. En plus d'œuvrer à asseoir un système de santé plus performant et de faciliter l'accès aux contraceptifs, le pays a surtout investi dans l'éducation pour tous, aussi bien les hommes que les femmes. C'est ce qui a permis le décollage économique de la Corée du Sud. Il en est de même pour la croissance économique de la Chine. Celle-ci ne s'explique autrement que par la soif d'éducation, en particulier chez les jeunes. Mais si la Chine mise beaucoup sur l'éducation, le régime reste malgré tout réfractaire aux aspirations démocratiques.
Volonté de participation
A long terme, les dictatures devront affronter les revendications des populations éduquées. En effet, l'éducation ouvre la voie à la démocratie, à l'implication et la codécision dans les affaires publiques. Ce processus pourrait concerner des pays comme la Russie, la Chine et les pays arabes.
Quant aux pays comme le Zimbabwe, l'Afghanistan ou la Corée du Nord, le bout du tunnel est encore très loin. Tant que la majorité de la population continuera de vivre dans une pauvreté nourrie par la propagande des régimes en place alors celle-ci, par manque d'éducation, ne pourra ni se développer ni avoir accès à des informations fiables. Les dictateurs et les usurpateurs pourront alors continuer à se sentir en sécurité. C'est pourquoi il faut continuer à lutter pour le droit fondamental à l'éducation.
Auteurs : Ute Schaeffer, Eric Segueda
Edition : Gaby Reucher, Jean-Michel Bos