Mali : une réunion inédite à Kidal
11 février 2021Le ministre malien de la Réconciliation a indiqué que le fait que cette première réunion se tienne à Kidalest un signe d’espoir. Aussi, selon le colonel major Ismaël Wagué, les autorités de la transition s’engageraient à mettre en application l’accord de paix d’Alger.
Dans la foulée, il a annoncé un nouveau processus de DDR - désarmement, démobilisation, réinsertion. Un processus qui sera suivi par l’intégration de plusieurs centaines d’ex-combattants rebelles.
S’il se réjouit de la tenue de cette première réunion symbolique, Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, recommande un changement d’approche dans le processus de mise en œuvre de cet accord, six ans après sa signature.
"Ne pas rester sur le schéma traditionnel, les approches traditionnelles, dont certaines à mon avis ne sont plus acceptées, comme des intermédiaires parallèles qui sont en fait des pompiers pyromanes… ces gens qui libèrent les otages, ils gagnent de l'argent et en fait allument le feu. Je pense qu'après près de neuf ans, il est temps d'harmoniser et de coordonner si possible les points de vue pour aider d’abord la Mali et le Sahel à sortir d'une crise qui coûte très chère et pour que celle-ci cesse de s'enraciner et d'être contagieuse", soutient le responsable du Centre pour la stratégie et la sécurité dans le Sahel-Sahara (Centre 4s), basé à Nouakchott.
Revisiter l’accord d’Alger
Plusieurs analystes estiment qu’il faut combler les lacunes de l’accord d’Alger, pour en faciliter la mise en œuvre. Car, les parties signataires ne s’accordent pas sur certaines dispositions de ce compromis, dont le statut de la ville de Kidal, toujours aux mains de la Coordination des mouvements de l’Azawad ou encore la forme de l’État et les modalités du processus du désarmement, démobilisation, réinsertion (DDR).
Selon Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali, la situation est d’autant plus problématique que l’accord d’Alger ne traite pas, pour l’avenir, les causes véritables de la rébellion du nord.
A l’origine de la révolte de 2012, il y avait l’opposition entre des Touareg nobles Ifoghas et les Touareg tributaires, les Imghads. C’est pourquoi l’accord doit être revisité, affirme Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel.
"On s’attend plutôt une refonte de l'accord pour la paix et la réconciliation. Ces populations majoritairement touaregs pensent que l'accord pour la paix et la réconciliation les a lésées. Parce que la volonté d'une ultra minorité de rebelles s'est imposée sur une écrasante majorité non-rebelles. Donc, de ce fait, la question de l'ancrage de l'accord en toute objectivité se pose avec acuité."
Nicolas Normand ajoute que l’accord d’Alger n’a pas non plus pris en compte les groupes djihadistes installés dans la région. La révision de l’accord s’imposerait donc, afin de redonner à l’Etat son autorité, en associant toutes les composantes de la société malienne.
Réunion inédite
Jamais depuis sa signature en 2015, le comité de suivi de l'accord dit d'Algerne s'était réuni dans cette ville du Nord du Mali qui demeure sous le contrôle de l'ancienne rébellion à dominante touareg.
La réunion s’est déroulée en présence des parties signataires (anciens groupes armés rebelles et pro-gouvernementaux) mais aussi d'une forte représentation des partenaires, les parrains algériens, des diplomates des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, la Minusma et plusieurs ministres maliens.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian est intervenu par visioconférence et a vu "tout un symbole" dans cette réunion à Kidal, celui du chemin parcouru selon lui depuis 2012 et le début de la crise malienne et sahélienne, ainsi que d'une "dynamique positive" observée à ses yeux pour la paix ces derniers mois.
Rappelons qu’une précédente réunion du comité de suivi prévue en septembre 2019 à Kidal avait été reportée.
Enfin, le comité de suivi se réunit quelques jours avant la tenue d'un sommet des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et de la France les 15 et 16 février à N'Djamena pour faire le point sur la situation dans la sous-région.