Bamako confirme échanger avec la société russe Wagner
15 septembre 2021La déclaration est courte mais claire. Après les révélations, mardi 13 septembre, de l'agence Reuters qui annonçait qu'un accord serait "sur le point d'être conclu" entre les autorités maliennes et russes pour le déploiement de paramilitaires de la société Wagner, Bamako réagit. "Le Mali entend désormais diversifier ses relations pour assurer la sécurité du pays. Nous n'avons rien signé avec Wagner, mais nous discutons avec tout le monde", dit le ministère malien de la Défense, cité par l'Agence France Presse.
Un changement de discours rapide, alors que, quelques heures auparavant, le ministère affirmait à la DW, "ne pas être au courant". Reuters évoque un accord sur l'envoi de paramilitaires russes du groupe Wagner au Mali, jusqu'à un millier. Certains sites russes jugés peu sérieux et/ou sous la coupe d'Evgueny Prigojine - un proche de Vladimir Poutine qui dirigerait le groupe Wagner – ont même fait état de la présence, déjà, au Mali, de plus de 1.200 mercenaires russes.
Ces derniers jours, le Mali est d'ailleurs bien plus présent dans les médias et sur internet en Russie, pour dénoncer l'échec des missions occidentales. Mais le Kremlin, contacté par la DW, conteste ces informations. Quant au groupe Wagner, il n'a pas répondu à nos sollicitations.
La France menace
Les autorités françaises se sont-elles ouvertement inquiétées, dès mardi, de ces discussions. Une implication de la société privée russe Wagner au Mali serait "incompatible" avec le maintien d'une force française, a déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Comprendre que la France pourrait retirer ses troupes. "Si les autorités maliennes devaient contractualiser avec la société Wagner, ce serait extrêmement préoccupant et contradictoire, incohérent" avec l'action de la France au Sahel, avait, avant lui, réagi la ministre des Armées Florence Parly devant la Commission de la Défense nationale de l'Assemblée.
"Le ministère fédéral des Affaires étrangères est au courant des discussions entre la Russie et le gouvernement malien", écrivent-elles les autorités allemandes. "Nous sommes en dialogue avec nos partenaires européens et avec le gouvernement malien sur cette question, ainsi que sur l'ensemble de la coopération bilatérale et multilatérale du Mali avec l'Allemagne, l'UE et les pays tiers", poursuit le ministère fédéral des Affaires étrangères.
Quelle mission pour Wagner ?
Le groupe Wagner est spécialisé dans les services de maintenance d'équipements militaires et de formation mais est également accusé de mercenariat. Impossible de se prononcer pour l'heure sur le contenu des discussions avec les autorités maliennes. S'agirait-il d'une nouvelle mission d'élite comparable à Takouba ? Ou de formation, façon EUTM ? Ou simplement de la protection rapprochée de personnalités ?
Le chercheur allemand Denis Tull, de la Fondation pour les sciences et la politique à Berlin, reste dubitatif. Si le partenariat avec Bamako était confirmé, il s'agirait, selon lui, d'un "pari risqué" pour les autorités maliennes. Un partenariat qui pourrait froisser l'un de ses principaux alliés dans la lutte contre les groupes terroristes : la France.
Des précédents
Dès 2018, la République centrafricaine avait appelé des mercenaires russes du groupe Wagner à la rescousse face à l'insécurité dans le pays. Paris avait alors immédiatement suspendu ses activités dans le pays. "Le Mali ne peut pas se permettre de se passer du soutien politique, économique et militaire français", réagit Denis Tull. "Les paramilitaires de Wagner se sont illustrés dans le passé singulièrement en Syrie, en Centrafrique, beaucoup avec des exactions, des prédations, des violations en tous genres et ne peuvent pas correspondre à une solution quelconque", a d'ailleurs insisté le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian mardi.
Simple moyen de pression ?
A quelques semaines du sommet Afrique-France prévu en octobre à Montpellier, le chercheur Denis Tull n'exclut toutefois pas que ces discussions soient une tentative des autorités maliennes de faire monter la pression en montrant à la France que d'autres alliances sont possibles. Cela pourrait leur servir à négocier sur d'autres points, comme la durée de la transition, alors que la France tient aux élections prévues en février.
Côté russe, Denis Tull ne trouve pas non plus de grand intérêt à sceller ce partenariat, si ce n'est, là encore, pour "être un caillou dans la chaussure" des Occidentaux. Moscou pourrait menacer de cette intervention au Mali pour négocier sur d'autres dossiers, plus importants à ses yeux.