Le Maroc livre des chars de combat à l'Ukraine
27 janvier 2023En livrant à l'Ukraine 20 chars de combat T-72B, qui passent par une mise à jour technique en République tchéque, le Maroc opère un important virage. Même si Rabat aurait, selon plusieurs médias dont Newsweek et la Sueddeutsche Zeitung, depuis longtemps accepté d’envoyer des chars en échange d’un soutien financier et militaire américain, le royaume chérifien affichait jusque-là sa neutralité dans le conflit en Ukraine.
Lors du vote aux Nations unies pour dénoncer l’invasion russe l’an dernier, le Maroc, comme d’autres pays africains, s’était en effet abstenu.
Selon Alice Gower, du cabinet de conseil Azure Strategy, "ce geste témoigne d'une rupture claire et d'une décision du Maroc de se ranger notamment du côté des Etats-Unis et de l'Union européenne. Et puis, les tensions actuelles et de longue date avec l'Algérie voisine, l'un des plus proches alliés africains de Moscou, ont sans aucun doute influencé les calculs de Rabat."
Autrement dit, Rabat souhaiterait s’assurer le soutien européen et américain dans le dossier du Sahara occidental, que le Maroc et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, se disputent.
Compétition et leadership régional
Selon Alice Gower, ces livraisons d’armes marquent aussi un revers pour les tentatives de la Russie d’avoir l’Afrique à ses côtés - ou du moins neutre - à l’Assemblée générale de l’Onu. Hasard du calendrier, l’annonce de ces livraisons de chars est intervenue juste avant la tournée en Afrique de Serguei Lavrov, chef de la diplomatie russe.
Le Maroc serait également préoccupé par les liens de plus en plus étroits entre l'Algérie et certains pays européens, notamment dans le contexte de la crise énergétique qui place Alger, fort de ses hydrocarbures, en position avantageuse.
Le pays vient ainsi de signer un certain nombre d’accords avec l’Italie, qui pourrait devenir une plaque tournante pour l’Europe pour l’approvisionnement en gaz algérien.
Différents avec Bruxelles
Isabelle Werenfels, experte en question de sécurité et de relations internationales, estime que "le Maroc se voit comme une puissance régionale et un acteur très important et incontournable en Afrique. Un partenaire moderne et efficace si on opère selon ses conditions, mais aussi aux avant-postes pour les énergies renouvelables."
Isabelle Werenfels rappelle toutefois l’implication du Maroc dans le scandale de corruption au Parlement européen qui touche également le Qatar.
Ce nouveau sujet de tension entre Rabat et Bruxelles vient s’ajouter aux condamnations de journalistes marocains, critiquées par l’exécutif européen. En s’alignant sur les Européens dans le conflit ukrainien, le Maroc pourrait aussi parvenir à faire oublier ces différents.