"Mein Kampf" bientôt dans les kiosques en Allemagne ?
19 janvier 2012Selon la volonté de son auteur, après son accession au pouvoir en 1933, chaque Allemand et chaque Allemande se devait de posséder ce livre. Un ouvrage basé sur de fumeuses théories racistes et antisémites, une idéologie préparatrice du génocide et des massacres de la Seconde Guerre Mondiale. « Mein Kampf » , bientôt dans les kiosques ? Cette idée scandalise bon nombre de gens en Allemagne.
Peter Mc Gee, directeur de la maison d'édition londonienne Albertas Ltd, est habitué aux provocations et scandales. C'est un récidiviste : en 2009 déjà, il avait publié à plus de 300.000 exemplaires des facsimilés de quotidiens nazis tels que le « Völkische Beobachter », l'organe central du parti national-socialiste. Une vague d'indignation avait alors secoué la République. Le journal « Frankfurter Allgemeine Zeitung » avait dénoncé une « esthétisation de l'horreur ». Le Conseil Central des Juifs d'Allemagne s'était indigné, y voyant là du « matériel de propagande pour néo-nazis ». L'Etat régional de Bavière, qui détient les droits d'auteur d'Adolf Hitler, avait confisqué plusieurs milliers d'exemplaires et porté plainte contre Mac Gee, mais un tribunal bavarois avait jugé que Mac Gee n'avait pas incité à la haine raciale et donc pas enfreint la législation allemande sur ce point puisque les textes étaient accompagnés de commentaires critiques d'experts et d'historiens placés - je cite - dans un contexte éducatif.
Pourtant aujourd'hui, l'Etat régional de Bavière veut encore intervenir contre la publication de « Mein Kampf », un ouvrage qui contrairement à ce que l'on croit, d'ailleurs, n'est pas interdit en Allemagne.
Démystifier l'ouvrage
Les autorités bavaroises annoncent faire valoir les droits dont elles disposent depuis 1945 sur tous les écrits d'Adolf Hitler. Il faut savoir que ces droits prennent fin au bout de 70 ans, c'est-à-dire en 2015. D'ici là, personne ne peut donc publier « Mein Kampf » sans l'autorisation du gouvernement bavarois. Munich affirme vouloir empêcher la publication de propagande nazie. Mc Gee considère que cela n'a pas de sens, et estime que le tabou qui entoure ce livre depuis 1945, particulièrement en Allemagne, empêche selon lui de découvrir sa médiocrité, empêche une approche objective. Il souligne que si l'on donnait aux Allemands la possibilité de le lire, ils constateraient alors que « Mein Kampf » est un livre très mal écrit, dépourvu de toute logique et sans structures. Et il fait remarquer qu'à côté de chaque page du document original, se trouvent des commentaires critiques.
Quant au Conseil central des Juifs d'Allemagne, il réagit cette fois de manière plus détendue qu'en 2009. Son président Dieter Graumann pense en effet que cela devrait « démystifier » ce livre de piètre qualité. Révélant être un « junkie de l'internet », il fait remarquer que chacun peut déjà lire « Mein Kampf » en version intégrale sur la toile, sans aucun commentaire critique, ce qui est pire.
C'est ce que pense aussi le politologue et président de l'association « A visage découvert ! pour une Allemagne ouverte sur le monde ». Evoquant la série de violences xénophobes et de meurtres racistes des dernières années en Allemagne, Uwe Karsten Heye, relève lui aussi que de nombreux textes de néo nazis sur la toile montrent la nécessité de s'occuper de tels « immondices intellectuels », qu'ils proviennent d'anciens ou de nouveaux nazis .
Auteur : Philippe Pognan
Edition: Marie-Ange Pioerron