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Un an après la tragédie de Melilla, rien n'a changé

Dunja Sadaqi | La rédaction francophone
23 juin 2023

Le 24 juin 2022, au moins 23 personnes sont mortes en tentant d'entrer dans l'enclave espagnole. Un an après, les migrants autour de Melilla vivent toujours dans la précarité.

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Photo de la clôture frontalière de 12 kilomètres qui sépare la ville de Melilla, espagnole, au territoire espagnole
Une clôture frontalière de 12 kilomètres sépare la ville de Melilla, espagnole, au territoire espagnoleImage : Kawe Vakil/DW

C'était il y a un an : la tragédie la plus meurtrière aux frontières terrestres de l'Europe se jouait à Melilla, une des deux enclaves espagnoles -avec Ceuta- en territoire marocain. Ce 24 juin 2022, au moins 23 personnes -chiffre du gouvernement marocain, des experts de l'ONU parlent d'au moins 37 morts, et une association marocaine liste encore des dizaines de disparus- meurent en tentant de passer la frontière.

>> A lire aussi →"Vendredi noir", des proches de migrants disparus témoignent

Les images des violences policières contre le millier de personnes qui tentent de passer outre la douane et ses barrières feront le tour du monde, insoutenables. 

Contrôles de police plus nombreux

Un an après, dans les forêts de Gourougou, autour de la ville marocaine de Nador, il n'y a quasiment plus de personnes migrantes. C'est là que vivaient pourtant jusqu'à l'an dernier tous ceux qui attendaient de pouvoir franchir la clôture frontalière de Melilla, ville espagnole sur le sol africain. Mais aujourd'hui, on ne trouve que des vieux matelas, des pansements, ou encore des bidons d'eau qui jonchent le sol. Résultat des contrôles de police intensifiés pour déloger les migrants des forêts.

Des policiers et des personnes migrantes se font face face à un mocrau de grillage arraché, le 24 juin 2022 à Melila
Dans la foule, le 24 juin 2022, beaucoup de personnes venues du Soudan, du Soudan du Sud et du TchadImage : Javier Bernardo/AP/dpa/picture alliance

Des migrants qui seraient, un an après la tragédie, moins nombreux ici comme en ville. Mais tous ne sont pas partis pour autant. Sauf que comme Moussa, venu de Guinée, ils vivent le plus souvent cachés, attendant de tenter leur chance... "Tout est bloqué. Ce n'est pas facile d'accéder", confie le jeune Guinéen, trentenaire. "Même pour sortir, il faut attendre 20-21h au moins. Et même dans ce cas-là, si tu vas dans une boutique, tu te caches, pour ne pas que la police te croise. Parce que sinon ils t'attrapent et soit tu es mis en prison, soit refoulé."

"C'est comme ça quand t'es black"

En attendant de pouvoir gagner l'Europe, Moussa travaille dans un restaurant. De quoi gagner un peu d'argent, alors qu'un faux passeur lui a volé des milliers d'euros. Moussa tente de faire face au racisme quotidien ici. "Même dans une boutique, un plan vendu à un dirham, si tu es noir, ils te le vendront pour deux dirhams. C'est partout pareil quand t'es black", raconte-t-il. Une des conséquences du racisme et de la politique de répression marocaine, soutenue financièrement par l'Europe.

Des silhouettes de migrants installées par Amnesty International à l'entrée du Palais de la Moncloa à Madrid pour se souvenir des 23 personnes au moins qui sont mortes en juin en tentant de franchir la clôture de Melilla.
Des médias et des ONG, comme ici Amnesty International, ont documenté le recours à une force excessive par la police et les gardes-frontières espagnols et marocainsImage : LaPresse/ZUMAPRESS/picture alliance

"L'UE dit que le travail est bien fait" 

Une politique que dénonce Ousmane Ba, un Sénégalais bien connu ici. Il a survécu dix ans dans la forêt toute proche, tentant par dix fois de gagner l'Europe, sans jamais y arriver. Aujourd'hui, il a un titre de séjour. Il est à la tête d'une ONG et dénonce la coopération européo-marocaine de lutte contre l'immigration irrégulière. "L'UE dit que le travail est bien fait à Nador. Il n'y a plus personne dans les forêts. Mais coté droits de l'Homme, c'est une catastrophe", insiste-t-il. "Les gens ne vivent plus dans les forêts, mais le peu qui restent encore ici sont devenus beaucoup plus vulnérables. Ils doivent se cacher toute la journée. Dès qu'ils sortent, ils risquent d'être arrêtés. " Lui aussi la vie de ces personnes qui ne peuvent sortir que la nuit, cachées, en journée, dans des tunnels ou des forêts. 

En cas d'arrestation, les personnes migrantes risquent la prison. Parfois pour plusieurs années. La misère n'est plus visible, mais "rien n'a changé dans la crise sanitaire que vivent migrants et demandeurs d'asile", déplore Ousmane Ba. Coté judiciaire, un an après la catastrophe meurtrière, l'Espagne et le Maroc ont affirmé que leurs forces de police n'avaient commis aucune faute... "Il n'y a toujours pas eu d'enquête crédible ni de justice pour les victimes des horribles violences et pour les demandeurs d'asile et migrants tués à la frontière", a dénoncé Human Rights Watch il y a quelques jours encore.