Niger : un départ sur fond de "sentiment anti-français"
22 décembre 2023Le départ des derniers soldats français déployés au Niger est l'épilogue d'une relation qui était devenue tendue entre Paris et Niamey.
Alors qu'il était considéré comme l'un des derniers alliés de Paris dans la région, avant le coup d'Etat de juillet, le Niger a opéré un revirement à l'arrivée des autorités militaires.
"On va lutter jusqu'au bout, jusqu'au jour où il n'y aura plus cette base française sur notre territoire nigérien..." Nafissa Hassan, comme d'autres jeunes, manifestait ainsi en septembre devant la base des militaires français à Niamey. Tous exigeaient leur départ.
Si ce départ est désormais effectif, des manifestations comme celle de septembre n'étaient qu'une illustration de plus d'une série d'actions et de discours dirigés contre la France depuis le coup d'Etat du 26 juillet.
Un "sentiment anti-français"
Avant les sit-in, il y a eu en août la décision du régime militaire en place d'expulser l'ambassadeur de France, Sylvain Itté. Ce dernier est resté confiné à l'intérieur de la représentation diplomatique pendant près d'un mois, avant de regagner la France.
Il y a aussi eu la décision de changer l'hymne national. Composé par un Français au lendemain de l'indépendance, en 1961, il était reproché àcet hymne un certain nombre de messages faisant ressortir un rapport de dépendance, de subordination. Il était considéré comme raciste.
Autant d'actes que certains qualifient de "sentiment anti-français".
Amadou Sadjo Barry est chercheur en éthique des relations internationales, selon lui, le ressentiment bien réel envers l'ancienne puissance coloniale a représenté une aubaine pour la junte.
"Les militaires, dans une dynamique de quête de légitimité, ont besoin d'un soutien populaire. Dans ce sens-là, tout narratif (contre la France, ndlr) est nécessaire à ce soutien populaire, tout symbole qu'on peut aller chercher pour nourrir le sentiment contre une puissance étrangère qui empêche le développement, et qui n'a pas eu de résultats concrets en termes de lutte contre le terrorisme… Tout ceci paye en termes de légitimité" explique le chercheur.
Il estime toutefois que "du point de vue des populations, on a toujours demandé la fin de ce qu'on appelle la Françafrique, on a toujours demandé la fin du franc CFA, la fin des bases militaires, ce n'est pas nouveau."
Un jeu de positionnement
Les critiques et actions de rejet de la France ne sont en effet pas propres au Niger. Des scènes similaires ont été observées dans d'autres pays sahéliens comme le Mali ou le Burkina Faso, d'où les forces françaises se sont également retirées.
Pour ne pas laisser le champ libre à Moscou, dont se sont rapprochés ces Etats sahéliens putschistes, les Etats-Unis et l'Allemagne se sont dits prêts, par exemple dans le cas du Niger, à reprendre les discussions avec Niamey.
"Quand vous prenez la question de la légitimité de la junte, vous prenez en considération aussi l'ambition de puissance que poursuit la Russie, la Chine, les Etats-Unis et l'Allemagne… Vous voyez qu'il y a un jeu sur le plan de la politique internationale qui fait en sorte qu'on se positionne par rapport aux coups d'Etat…" explique Amadou Sadjo Barry.
La France, quant à elle, entend réorganiser sa présence en Afrique. Une réorganisation qui passe par une réduction de ses effectifs militaires dans tous les pays où elle opère encore, sauf à Djibouti.