Les troupes françaises ont amorcé leur départ du territoire nigérien depuis lundi (09.10.23). Mardi, un convoi terrestre sous escorte de l’armée nigérienne a pris la direction du Tchad voisin. La route vers le Tchad est considérée comme plus longue et dangereuse, en raison de la présence de djihadistes dans la région de Diffa (est du Niger). La junte nigérienne refuserait toute traversée du Niger à travers la frontière béninoise fermée depuis les sanctions de la Cédéao.
Outre ces départs par voie terrestre, le régime nigérien a indiqué que "trois vols spéciaux" ont été enregistrés à l'aéroport de Niamey, deux pour le départ de "97 éléments des forces spéciales" et un "consacré à la logistique". Le régime qui avait assuré vouloir que ce retrait se fasse "en toute sécurité" précise que le désengagement se poursuivra conformément "au calendrier arrêté d'un commun accord par les deux parties".
Plus d’un millier de soldats étaient présents au Niger dans la lutte contre le terrorisme. Ils étaient répartis sur des bases dans la zone des trois frontières et à Niamey la capitale. D’ici la fin de l’année, tous les soldats français doivent avoir tous quitté le territoire nigérien.
Les Nigériens pourraient faire face à des mois sombres une fois achevé le départ des troupes françaises. C’est du moins l’avis de l’expert en sécurité, Aly Tounkara. L’armée française apportait un appui aux forces armées nigériennes dans la lutte contre les organisations djihadistes. Pour Aly Tounkara, expert au Centre d'études stratégiques et sécuritaires du Sahel, ce départ de la présence militaire française pourrait entraîner de nombreuses pertes en vies humaines.
Aly Tounkara : Le vide qui va être laissé par l'armée française va imposer une sorte de réarticulation de l'offre et de la demande de sécurité de la part de l'élite militaire à la tête du Niger aujourdhui. Donc, dans un avenir proche, les troupes nigériennes vont se mobiliser dans les localités où elles étaient moins présentes. Mais lorsque ce départ va être achevé, l'armée nigérienne, avec le soutien qu'elle bénéficierait aujourd'hui des armées malienne et burkinabè, pourrait dans un avenir relativement long, compenser ce vide qui va être laissé par l'année française. En somme, dans un avenir proche, effectivement, une réarticulation de l'armée qui ne va pas sans conséquences sur les zones et sur les équipements, va s'opérer, mais surtout surtout dans la durée et la réarticulation, va coûter autant en termes d'hommes et en termes de logistique.
DW : Les conséquences dont vous parlez, c'est peut-être aussi des pertes humaines en fait sur le terrain ?
Aly Tounkara : Effectivement, lorsqu'on regarde dans un avenir proche au Mali, au Niger et au Burkina Faso en l'occurrence, il n'y a rien d'étonnant que les mois à venir soient sombres pour le Niger.
DW : Comprenez-vous pourquoi le départ des troupes françaises est allé vite, comparé à ceux du Mali et du Burkina Faso ?
Aly Tounkara : Il semblerait qu'au lendemain du coup d'Etat au Niger, l'attitude de l'élite politique française au pouvoir a agacé à plus d'un titre les militaires au pouvoir au Niger. De même également cette réelle ou supposée immixtion de la France dans des questions éminemment jugées par les militaires nigériens comme internes sont des éléments qui expliquent pourquoi un départ immédiat avait été exigé.