"Nous avons été trompés" avoue un soldat russe en Ukraine
23 juin 2022Il y a quatre mois démarrait l'offensive militaire russe en Ukraine. Aucun bilan global des victimes civiles du conflit n'est disponible à ce jour mais il devrait être très lourd.
Sur le plan militaire, les forces ukrainiennes perdent chaque jour une centaine de soldats, selon Kiev. Aucune statistique indépendante n'est disponible. Des sources de sécurité occidentales parlent de 15.000 à 20.000 soldats russes tués.
En Ukraine, une équipe de reporters de la Deutsche Welle a eu accès à des prisonniers de guerre russes. Ils ont expliqué ne pas avoir su avant qu'ils allaient en Ukraine.
Opération humanitaire
Une "opération spéciale à but humanitaire" : c'est ainsi que les autorités russes ont présenté l'invasion de l'Ukraine démarrée le 24 février.
Certains soldats ont juste répondu à des annonces sur internet. D'autres ont été directement réquisitionnés par la hiérarchie militaire. Dans leurs témoignages exclusifs à la DW, il ressort que le but réel de l'opération a été caché à ces soldats.
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"Honnêtement, nous avons été en quelque sorte dupés. Au début, on nous a dit qu'il s'agissait de questions humanitaires. Mais j'ai été immédiatement envoyé au front, avec les soldats. Après six jours sous le feu, le septième jour, nous avons tous été envoyés au combat", se désole Roman, l'un des prisonniers de guerre en attente d'un échange éventuel contre des détenus ukrainiens en Russie, ou dans les territoires ukrainiens sous contrôle russe.
"C'est ici que mes yeux se sont ouverts"
Artjom, un autre détenu russe, confie avoir répondu à une annonce postée sur internet par les séparatistes pro-russes qui lui ont appris en quelques jours à manipuler l'artillerie lourde. A Zaporijjia, son char T-72 a été détruit lors de combats et il a été capturé par le régiment ukrainien Azov.
Lui aussi raconte avoir été trompé sur l'objectif de l'opération. "D'un côté, je me sentais victime d'un bourrage de crâne. C'est si joliment raconté à la télévision, nous sommes censés nous battre pour une bonne cause mais en réalité ce n'est pas du tout le cas. Ce n'est qu'ici que mes yeux se sont ouverts", confie-t-il à la DW.
Dans une cellule où sont gardés trois soldats d'une vingtaine d'année environ, des romans policiers sont posés sur la petite table, près du lit.
Les conditions de détention
Parmi ces détenus, Dmitrij, un contractuel de l'armée russe. En quittant Belgorod ce 24 février, il ne savait pas qu'il partait combattre en Ukraine.
"On ne nous a pas dit où nous allions. Ce n'est que lorsque nous étions déjà sur le territoire ukrainien et que nous avons vu les panneaux et les drapeaux, que nous nous en sommes rendu compte. J'ai demandé au commandant : Qu'est-ce qu'on fait ici ? La réponse que j'ai eue était : Ne posez pas de questions inutiles. Avancez tout droit. Point", raconte Dmitrij.
Dmitrij, Artjom, Roman et un autre soldat russe interviewés par l'équipe de la DW ne sont visés, eux, par aucune poursuite pour crimes de guerre, ce qui a facilité leur rencontre.
Les services ukrainiens affirment que leurs déclarations ont été vérifiés à l'aide de détecteurs de mensonge.
Ces détenus assurent être bien traités par leurs geôliers ukrainiens.
D'après la directrice du bureau de l'Onu pour les droits de l'homme en Ukraine, les conditions de détention correspondent en général aux standards internationaux.
L'Onu demande cependant à l'Ukraine et la Russie d'enquêter sur des allégations d'actes de torture infligés à des prisonniers de guerre.
D'autres prisonniers de guerre russes font face à des procédures judiciaires pour crimes de guerre. Ainsi, le 23 mai, et pour la première fois, la justice ukrainienne a condamné un soldat russe à la prison à perpétuité. Wadim S. a reconnu avoir abattu un civil.