Comment l'Onu peut sanctionner des casques bleus
16 septembre 2021Les Nations unies ont suspendu tous les casques bleus gabonais déployés dans le cadre de la mission de stabilisation en Centrafrique. Près de 450 soldats gabonais prenant part à la Minusca sont concernés par cette décision.
Depuis 2015, 32 allégations d'exploitation et d'abus sexuels sont remontées jusqu'à New York, qui impliquent 81 soldats gabonais stationnés en RCA ou qui l'ont été par le passé. La Minusca et le Gabon affirment avoir ouvert chacun une enquête.
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L'image de l'Onu en jeu
Pour l'Onu, c'est une question de principes. Et d'image, puisque la Minusca a pour mission première de protéger les civils centrafricains.
Stéphane Dujarric, porte-parole de l'Onu, explique la décision de rapatrier les casques bleus :" [Elle] fait suite à ce que nous considérons comme un manquement avéré à répondre efficacement à plusieurs allégations d'exploitation sexuelle, y compris par le passé, en République centrafricaine, par des Gabonais. Et également par un manquement des autorités à mener des enquêtes appropriées et efficaces, et à rendre compte de sanctions pour ces allégations fondées".
Enquête annoncée au Gabon
Le ministère de la Défense du Gabon assure pourtant qu'une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur 32 "faits d'une particulière gravité, contraires à l'éthique militaire et à l'honneur des armées".
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Fin juin 2021, le secrétaire général António Guterres l'a répété : l'impunité des casques bleus coupables de méfaits a "un impact dévastateur sur les victimes et les survivants" et "sape" à la fois l'efficacité des missions et la "réputation mondiale" de l'organisation.
Des mécanismes onusiens
L'Onua donc mis en place un plan "Action pour la paix" et surtout un pacte pour l'élimination des abus sexuels. Signé par 89 des 103 Etats membres, ce pacte "implique le personnel en uniforme ou en civil", soit toutes les personnes qui travaillent au sein des Nations unies "ou en vertu des mandats du Conseil de sécurité."
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Les signataires s'engagent notamment à lutter contre l'impunité et à soutenir les victimes, en contribuant par exemple financièrement au fonds mis en place par les Nations unies.
Le soutien aux victimes et survivants inclut de "veiller à ce que les soldats de la paix qui ont [conçu] des enfants en assument l'entière responsabilité". L'Onu aide ainsi les femmes à faire des demandes de reconnaissance de paternité et de pension alimentaire pour ces enfants.
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Dans le centre de la RCA, la Minusca affirme avoir déjà pris en charge les besoins médicaux, psychologiques et matériels des victimes identifiées.
Un Bureau des services de contrôle interne (BSCI) de l'Onu enquête de son côté et peut coopérer avec l'enquêteur national dépêché par le pays d'origine en cas d'accusations.
Mais les agissements des soldats gabonais, casques bleus ou non, relèvent de la justice gabonaise avant tout.
Des précédents
Le cas gabonais n'est pas le premier à entacher l'image des soldats étrangers dans le pays. En 2014, des militaires français de l'opération Sangaris (autorisée par l'Onu) avaient déjà été accusés de viols sur des enfants centrafricains (l'enquête a abouti en France à un non-lieu). Entre 2016 et 2017, plus de 700 soldats et casques bleus des deux Congo ont été renvoyés de RCA pour violences sexuelles.
Depuis 2010, l'Onu recense les accusations d'abus sexuels perpétrés par ses soldats, 822 en tout dans le monde. On peut d'ailleurs les signaler en ligne ou par téléphone.
Les soldats de l'Onu les plus mis en cause ces dernières années sont ainsi les casques bleus du Cameroun (44 cas répertoriés), d'Afrique du Sud (37 cas), de la République démocratique du Congo (32 cas), du Gabon (32 cas) et de la République du Congo (26 cas).