Patrice Talon et Thomas Boni Yayi ou la guerre des égos
19 juin 2019Thomas Boni Yayi sera écouté par la justice pour son implication personnelle dans les soulèvements des 1er et 2 mai derniers.
L’ex-président du Bénin aurait déjà dû être entendu à domicile par le juge, mais, à deux reprises, il a invoqué des raisons de santé et empêché la tenue de l’audition.
Ses avocats ont fourni un certificat médical, mais le procureur dénonce une tactique de l’ancien chef d’Etat pour se soustraire à la justice. Il le menace désormais de "mesures coercitives". Mario Metonou a ainsi déclaré :
"Le refus de M. Boni Yayi de se prêter aux questions du juge d'instruction en dépit de la prévenance de la délicatesse observée à son égard a conduit à présent le juge à envisager à son encontre la mise en œuvre des mesures coercitives."
La défense dénonce un acharnement
La défense de Thomas Boni Yayi dénonce une "chasse à l’homme" et un règlement de comptes venu d’en haut.
Me Renaud Agbodjo, avocat de la défense :
"On arrive à des mesures de coercition contre quelqu’un que lorsque cet individu s’est délibérément soustrait. Mais M. Yayi Boni ne s'est pas délibérément soustrait. Yayi Boni n'est pas le seul membre de la Résistance. Ils sont nombreux. Aucun de ceux-là n’est inquiété... mais qu’est-ce qui fait la différence entre Yayi Boni et ceux-là ? La seule chose, quand on réfléchit à tout le groupe : [il est] le seul de la région au nord du Bénin. Il le dit et le constat est là : tous les autres qui sont de la région sud et qui ont pris part à la résistance sont en paix. C'est très dangereux. On voulait tout simplement l’inculper. Le lier par la procédure comme quelqu’un qui est poursuivi. Une fois que l'inculpation de Yayi Boni sera obtenue, ils demanderont aux juges d'instruction de mettre Yayi Boni et tous ses comptes bancaires sous mandat de justice. […] Lorsqu'il sera tout simplement inculpé, qu’il se retrouve à Paris, à Londres, au Japon, même malade, il sera jugé et condamné en son absence."
La vengeance est un plat qui se mange froid
Une théorie postulant sur un désir de vengeance du président actuel est très discutée en ce moment : Patrice Talon n’aurait pas digéré de devoir partir en exil, entre 2012 et 2015, après avoir été accusé par Thomas Boni Yayi, alors président du Bénin, d’avoir voulu l’empoisonner.
L’homme d’affaire, richissime, avait pourtant financé la campagne de Boni Yayi, en échange de "conditions financières".
Les violences dans le centre du Bénin, entre partisans de Thomas Boni Yayi et les forces armées, à Tchaourou et Savè, ont fait plusieurs morts parmi les civils et des dizaines de blessés au sein des forces de l’ordre.
Or, comme le rappelle Expédit B. Ologou, le président du centre d’analyse Ciaaf à Cotonou cité par l’AFP, les Béninois ne sont pas habitués à ces scènes d’affrontement.
Selon lui, ce regain de tension serait une transposition au cœur de la population de la résurgence de la rivalité entre le président Talon et son prédécesseur Boni Yayi.
Patrice Talon devrait recevoir dans la journée des émissaires de la région de Tchaourou, la région d'origine de Yayi Boni.