Pleins feux sur le Rwanda
11 avril 2014Les journaux tout d'abord ont relaté la cérémonie commémorative officielle du 7 avril au stade Amahoro de Kigali. Un stade archi-comble, note die tageszeitung. Le Rwanda a convié le monde entier à commémorer le génocide par une mise en scène gigantesque. Vingt ans plus tard, lit-on dans la Berliner Zeitung, Hutu et Tutsi commencent tout juste à se rapprocher prudemment les uns des autres. Le journal raconte à ses lecteurs l'histoire d'un homme, Edouard Bamporiki. Il avait 11 ans en 1994, et il était hospitalisé pour une crise de paludisme lorsqu'un homme avec un enfant de trois ans sur les bras s'est précipité dans sa chambre. Il tentait d'échapper aux milices de tueurs. Lui et l'enfant seront massacrés sous les yeux du jeune Edouard. Aujourd'hui à 31 ans, il est poète, cinéaste et, depuis peu, député du FPR, le parti au pouvoir. Il fut l'un des premiers, rappelle le journal, à reconnaître publiquement la faute des Hutu. C'était lors d'une cérémonie commémorative officielle, il y a 7 ans. die tageszeitung constate que 20 ans après le génocide, la justice rwandaise tourne à plein régime. Elle est aujourd'hui encore occupée à chercher, arrêter, juger et condamner les coupables. Les gaçaça, ou juridictions coutumières, ont certes prononcé plus d'un million de jugements entre 2004 et 2012. Mais plus de 70 000 coupables présumés ont été jugés par contumace, parce qu'ils étaient en fuite. Ce sont eux que la justice rwandaise continue de traquer à l'étranger.
Quelles leçons?
Et puis la presse ne manque pas de se demander si des leçons ont été tirées du génocide rwandais. Aux yeux de la Süddeutsche Zeitung le monde a au moins tiré quelques leçons. L'Union africaine par exemple fait des progrès visibles dans la construction de son architecture commune de sécurité. Des soldats africains, et notamment rwandais précisément, sont présents en Centrafrique. Et pourtant, déplore le journal, la communauté internationale reste encline à l'amnésie. Il serait souhaitable que les cérémonies à la mémoire des 800 000 morts rwandais n'incitent pas seulement à des regrets rétrospectifs mais aussi à une prise de conscience du sort des Centrafricains, des Soudanais du sud et des Syriens. Le correspondant de l'hebdomadaire Der Spiegel en Afrique du sud, Bartholomäus Grill, fait son mea culpa. Il y a 20 ans il était correspondant d'un autre hebdomadaire allemand, Die Zeit, en Afrique. A l'époque, écrit-il, la fin de la domination blanche était imminente en Afrique du sud. C'était le grand événement du moment. Personne ne se doutait de l'ampleur du cauchemar qui se déroulait au même moment au centre du continent. Moi non plus. Comme d'autres j'ai écrit, de loin, des textes impardonnables. J'en ai honte, aujourd'hui encore, vingt ans après.
La RDCongo et les séquelles du génocide
Vingt ans plus tard, le Rwanda, à défaut d'être vraiment réconcilié avec lui-même, est un pays pacifié. L'économie est florissante, en revanche l'est de la République démocratique du Congo est dévasté. C'est ce que rappelle aussi la presse allemande. Comme le relève la Frankfurter Allgemeine Zeitung, depuis le génocide au Rwanda voisin, l'est du Congo n'a plus jamais connu le calme. La petite ville de Kiwanja en est un exemple. C'est une petite ville congolaise typique, située sur les contreforts des monts Virunga. Au milieu d'un paysage spectaculaire Kiwanja vit de l'agriculture. Le climat est tempéré, les précipitations fréquentes. Kiwanja pourrait être un petit paradis. Mais elle est située non loin des frontières du Rwanda et de l'Ouganda, et après le génocide cela est devenu pour elle une malédiction. Au fil des guerres et des multiples rébellions, la ville, souligne le journal, a été conquise et dévastée à huit reprises. Dans un autre article le même journal souligne qu'aux morts du génocide rwandais il faut ajouter les cinq à six millions de Congolais, victimes des conflits qui ont suivi dans l'est du Congo, sans parler de dégâts matériels immenses et d'un énorme manque à gagner économique.
Maputo, la belle endormie
Outre la tragédie qui a ensanglanté le coeur de l'Afrique il y a vingt ans, la presse allemande s'intéresse aussi cette semaine à une ville africaine en plein boom économique, c'est Maputo la capitale du Mozambique. La Süddeutsche Zeitung publie effectivement un long reportage sur cette ville au charme fou. Il est facile d'en tomber amoureux, lit-on dans ce reportage. Depuis l'indépendance en 1975 - et le départ de la plupart des Portugais - Maputo était comme congelée. Plus aucun bâtiment pratiquement n'avait été construit, hormis quelques immeubles de bureaux dans le quartier des affaires. Aujourd'hui le Mozambique, et donc Maputo aussi, sont en mouvement. Le pays regorge de matières premières, l'économie est en plein essor. La ville s'est réveillée même si elle a encore du sable dans les yeux. Les palmiers, souligne l'auteur du reportage, font partie de ce qui rend Maputo si attrayante, ajoutez-y la brise de l'océan indien, la lumière de l'après-midi, les cafés qui servent des pâtisseries portugaises. Mais il faut faire attention en se promenant de ne pas tomber dans un trou.
Nigéria: un boom trompeur
Autre pays en plein boom économique: le Nigéria. Selon les dernières statistiques publiées à Abuja il est même devenu la première économie africaine devant l'Afrique du sud. C'est ce qu'indiquent les derniers chiffres concernant le produit intérieur brut. Sur le papier, note la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le Nigéria fait effectivement bonne figure à côté de l'Afrique du sud. Il serait pourtant prématuré de voir dans le géant ouest-africain un nouvel eldorado sur le continent. A l'inverse de l'Afrique du sud le Nigéria n'a pas une industrie moderne et diversifiée. 80% des recettes du pays proviennent du pétrole. Le Nigéria reste aussi un terrain difficile pour les investisseurs. Il est classé par Transparency International parmi les pays les plus corrompus.