Premier procès du génocide rwandais en France
4 février 2014L'accusé, paraplégique, est arrivé en chaise roulante. Pascal Simbikangwa a perdu l'usage de ses jambes dans sa jeunesse en 1986. À l'ouverture du procès mardi matin, ses deux avocats étaient présents, ainsi que ceux des cinq parties civiles dans cette affaire, dont le collectif des parties civiles pour le Rwanda et la FIDH, la fédération internationale des ligues des droits de l'homme. La cour est composée de trois magistrats professionnels et de six jurés tirés au sort le jour même de l'ouverture.
Le procès est prévu jusqu'au 28 mars 2014, mais on a appris que l'audience pourrait s'achever plus tôt, le 14 mars. 53 témoins sont appelés à comparaître. Des traductions simultanées en kinyarwanda sont prévues tout au long du procès.
Génocidaire présumé
Pascal Simbikangwa est jugé pour « complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité ». Cet ancien membre des renseignements généraux du régime de l'ancien président Juvénal Habyarimana est soupçonné d'avoir contribué à la préparation du massacre des Tutsis, mais aussi des Hutus modérés, en armant les miliciens extrémistes hutus. Pascal Simbikangwa avait alors 35 ans.
Depuis, il était recherché par Interpol. Réfugié clandestinement à Mayotte depuis 2005, il a été arrêté en octobre 2008 pour trafic de faux papiers. Pascal Simbikangwa a alors été mis en examen et transféré en 2009 à la Réunion, un autre département d'outre-mer. Le Rwanda n'a pas réussi à obtenir son extradition, la France ayant compétence pour juger les génocidaires résidant sur son sol. Pascal Simbikangwa encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
20 ans d'attente
C'est la première fois qu'un responsable présumé du génocide rwandais de 1994 est jugé sur le sol français. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Selon l'association Survie, partie civile dans ce procès, la réponse est à chercher dans « le soutien du camp hutu par les autorités françaises ».
La Cour européenne des droits de l'Homme avait d'ailleurs condamné la France en 2004 pour son retard dans le traitement d'un autre dossier, l'affaire « Munyeshyaka ». À l'époque, dix ans après le génocide, aucune des quelque 20 plaintes déposées par les associations n'avait abouti. À la veille du 20ème anniversaire, ce procès pourrait enclencher une nouvelle dynamique dans les relations franco-rwandaises.
Il ne s'agit pas du premier procès de génocidaires rwandais en Europe. D'autres ont eu lieu en Belgique, en Suède, aux Pays Bas et en Allemagne comme à Francfort où Onesphore Rwabukombe, l'ancien maire de Muvumba est jugé. Le ministère public vient de requérir la perpétuité pour complicité de génocide. Le jugement est attendu le 18 février.
Écoutez ci-dessous le compte-rendu de notre correspondante à Paris, Cécile Leclerc.