Quelle Cédéao Mahamadou Issoufou laisse-t-il à ses pairs ?
7 septembre 2020La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) est confrontée ces dernières années à des crises qui réflètent ses points faibles. Malgré les engagements et promesses d'un sommet à un autre, l'intégration économique souffre de décisions unilatérales comme celle de la fermeture des frontières du Nigeria avec ses voisins il y a plus d'un an.
En revanche, et dans un contexte marqué par des conflits politiques liés au nombre de mandats constitutionnel, l'alternance en vue au Niger, dont la présidence de la Cédéao s'achève, apporte une lueur d'espoir.
C'est son dernier sommet en tant que chef d'un Etat membre de l'organisation sous régionale. Mahamadou Issoufou se retire du pouvoir en 2021 au terme de ses deux mandats constitutionnels. L'élection qui doit consacrer cette alternance est prévue en décembre 2020.
En Guinée et en Côte d'Ivoire, les décisions des présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat alimentent de fortes tensions. Au Sénégal, le président Macky Sall réélu en 2019 se voit accusé de viser un troisième mandat en 2024.
Lire aussi → Cédéao : des limites qui menacent l'organisation
En respectant sa parole, Mahamadou Issoufou, par ailleurs président sortant de la Cédéao, envoie un message à ses homologues, pense le politologue nigérien Seidik Abba.
"Le fait qu'il soit resté fidèle à son engagement de passer la main et de créer les conditions d'une alternance démocratique dans son pays est un acte qui apporte de la crédibilité à l'organisation sous régionale", explique-t-il.
Déficit de crédibilité
En prenant ses fonctions de président en exercice en juin 2019, Mahamadou Issoufou faisait figurer "la sécurité régionale, la consolidation des institutions démocratiques et l'intégration économique des Etats" parmi ses priorités.
Mais la fermeture unilatérale de ses frontières par le Nigeria où siège la Cédéao, contredit le dernier objectif.
"Cette décision a montré la difficulté qu'il y a pour la présidence de la Cédéao, à gérer des questions d'intégration. Le président Issoufou a dû s'en remettre à la médiation du président ghanéen Nana Akufo-Addo. Il y a des mécanismes qui ont été prévus lorsqu'un Etat enfreint les règles d'intégration mais les mécanismes n'ont pas été déclenchés. Comme s'il y avait une gêne de la part des autres pays parce qu'il s'agit du Nigeria", estime Seidik Abba.
Le Nigeria d'abord
Le pouvoir nigérian, rappelle cet expert, s'est montré plus sensible aux plaintes de certains milieux économiques nigérians qui dénonçaient des fraudes provenant du Bénin et du Niger.
Le Nigeria, poids lourd de la sous-région, met ainsi en avant ses préoccupations internes au détriment des règles commmunautaires, regrette Seidik Abbba. "Chaque fois que le pouvoir à Abuja est favorable à l'intégration régionale, il y a une avancée et chaque fois que le pouvoir à Abuja se replie sur des considérations nationales internes, il y a des freins à l'intégration régionale".
Deux grands défis donc pour la nouvelle présidence de la Cédéao : le respect par les dirigeants des principes démocratiques communs et l'effectivité de l'intégration régionale.