Des Casques bleus accusés de violences sexuelles en RCA
21 octobre 2024Après la révélation d’un premier scandale en 2015, une quinzaine de cas auraient été cette fois recensés. C'est ce que révèle une enquête publiée hier par le journal Le Monde, en partenariat avec The New Humanitarian. Les faits ont été confirmés sur cette antenne par Florence Marchal, la porte-parole de la Minusca à Bangui. Parmi les soldats mis en cause, figurent notamment des Rwandais.
L’affaire concernerait une trentaine de femmes, dont certaines sont des enfants, qui auraient été victimes d'abus sexuels de la part des casques bleus de la Minusca, mais aussi de la part d’employés civils des Nations unies.
L’incapacité de l’Onu a régler ce problème remonte à plusieurs décennies. Selon le Réseau international des droits des enfants, depuis le début des années 1990, "plus de 2.000 plaintes ont été déposées à l'encontre de Casques bleus et d'autres membres du personnel civil des Nations Unies dans le monde, dont plus de 300 plaintes par des enfants".
Des centaines de plaintes depuis 2015
Rien qu’en Centrafrique, depuis 2015, l’Onu a répertorié des plaintes contre plus de 730 soldats de la Minusca (mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique). Les dernières accusations remontent à 2021, où des Casques bleus gabonais ont été accusés d’abus sexuels sur cinq filles.
Le contingent gabonais a été retiré du pays, mais les auteurs présumés de ces abus n'ont pas été jugés, regrette Adrien Poussou, ancien ministre centrafricain de la Communication et de la Réconciliation nationale et aujourd’hui analyste politique.
Il estime que "les auteurs de ces viols n'ont jamais été sanctionnés en tant que tels. Les soldats gabonais qui étaient accusés, notamment, de violer de jeunes filles à Bambari, ont été rapatriés chez eux. A ma connaissance, la justice gabonaise n'a pas ouvert d' enquêtes sur ces crimes. Idem pour les autres contingents qui ont eu à commettre ces crimes odieux. C'est l'impunité dont ces gens sont garantis qui encourage la répétition de ces crimes". Pour sa part, Jean-Jacques Lumumba, banquier et lanceur d'alerte congolais estime que "de telles accusations ont été portées sur les casques bleus des Nations unies, la Monusco en RDC. Et je crois qu'il y a lieu que les Nations unies puissent condamner ces faits parce que ces faits sont des faits graves".
Des cas d'agressions sexuelles imputés à Wagner
L’Onu n'est pas compétente pour poursuivre les auteurs de ces crimes. Les Casques bleus mis à disposition ne pouvant être poursuivis que par leur propre Etat.
Par crainte de représailles, les victimes hésitent aussi souvent à porter plainte, ou bien ne sont pas prises au sérieux quand elles le font.
Depuis leur déploiement en République centrafricaine, en 2018, les soldats de l’Africa Corps, l'ancien Wagner sont également accusés d'abus sexuels, comme le rappelle Adrien Poussou.
"Souvenez-vous de l'affaire de Djamila, cette jeune adolescente dont la maison était contiguë à une base de Wagner à la sortie nord de Bangui. Cette adolescente, qui était d'ailleurs autiste, a été violée, à plusieurs reprises, avant d'être tuée et éventrée. Mais ses assassins courent toujours. Il n'y a jamais eu l'ouverture d'une enquête par les juridictions nationales pour connaitre la vérité sur l'assassinat de Djamila".
Face à ces crimes, l'Onu rappelle qu’elle a une politique de "tolérance zéro" et qu’elle a mis en place un plan Action pour la paix et un pacte pour l'élimination des abus sexuels.
Mais les agissements de l’Onu sont aussi mis en cause. En 2019, un document interne des Nations unies critiquait les "méthodes non professionnelles" de l’enquête mise en place dans une affaire concernant 163 possibles cas de crimes sexuels commis par des casques bleus du Gabon et du Burundi, toujours en Centrafrique.