Denis Mukwege réclame encore un tribunal spécial pour la RDC
13 septembre 2021Cela va faire 25 ans que l’est de la RDC est en proie à un cycle de violence sans fin. Le Haut-Commissariat aux réfugiés rappelait encore la semaine dernière que plus de 1.200 civils ont été tués cette année dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri.
Il y a 24 ans, Reed Brody, membre de la Commission internationale des juristes, a dirigé une enquête pour les Nations unies sur les massacres de la première guerre du Congo, en 1996-1997. Cette enquête dénonçait déjà les massacres de dizaines de milliers de Congolais et rien n’a été fait depuis.
Aujourd’hui, la solution serait de créer un tribunal mixte en se basant sur les expériences d’autres pays africains en la matière. "Il faut de la volonté politique, cela pourrait être un tribunal mixte avec les Nations unies, comme ce fut le cas pour la Sierra Leone qui a jugé Charles Taylor et d’autres responsables. Cela peut être un tribunal mixte avec l’Union africaine comme ça l’a été avec le Sénégal qui a jugé et condamné Hissène Habré. Mais en tout état de cause, il faudra que le gouvernement du Congo accepte, ou le demande", préconise Reed Brody.
L’indispensable volonté politique
La volonté politique, un levier essentiel pour la mise en place d’un tribunal spécial en RDC.
Pour Paul Nsapu, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), ce qui manque aujourd’hui ce sont des responsables au sommet de l’Etat qui puissent s’attaquer au problème de la lutte contre l’impunité.
"Je constate l’absence dans les institutions de l’Etat d’une personne qui pourrait animer cette problématique qui a trop duré, regrette Paul Nsapu, qui estime que la lutte contre l'impunité pourrait faire avancer le processus démocratique. "Ce qui bloque c’est l’absence de gens qui pourraient demander qu’un processus de justice transitionnelle se mette en place", déplore le vice-président de la FIDH.
Justice et réparations
Aujourd’hui, les survivantes des violences sexuelles en RDC suivent de près la proposition de Denis Mukwege et espèrent, comme le souligne Tatiana Mukanire, la coordinatrice du Fond national des survivantes des violentes sexuelles, que l’Etat congolais va s’engager dans la mise en place de ce tribunal spécial.
"En tant que survivantes, nous avons des appréhensions vis-à-vis du gouvernement, surtout si ce dernier ne met pas en place des mécanismes administratifs de réparation car plusieurs d’entre nous n’ont plus de preuve après avoir subi, il y a si longtemps, des violences sexuelles. La mise en place d’un tribunal spécial sera la preuve que l’Etat congolais ne tolère plus ce qui s’est passé", espère Tatiana Mukanire.
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En attendant le passage à l’acte des autorités congolaises, le prix Nobel de la Paix 2018 a rappelé, le 10 septembre, qu’il est du devoir de Kinshasa de demander aux Nations unies l'établissement d'un Tribunal pénal international pour la RDC, et le soutien à la mise en place de chambres spécialisées mixtes, pour rendre justice aux victimes des crimes les plus graves.