RDC : pourquoi l'UA a choisi l'affrontement ?
18 janvier 2019Le communiqué inattendu de l'Union africaine, affirmant qu'il y a des "doutes sérieux" sur la conformité du scrutin présidentiel et réclamant la "suspension de la proclamation des résultats finaux de l'élection", porterait la marque de Paul Kagame, le président rwandais et président en exercice de l'Union africaine.
Selon plusieurs sources proches du dossier, c’est lui qui a imposé ces conclusions à l'issue d'une réunion à huis clos en l'absence des Congolais.
Lambert Mendé, le porte-parole du gouvernement congolais, a déclaré que l'Union africaine n'a pas à dicter sa conduite à la Cour constitutionnelle en RDC.
Même réaction chez les partisans de l’opposant, Félix Tshisekedi, déclaré vainqueur par la Céni de ce scrutin.
"Nous trouvons ça scandaleux, ça n'a aucun fondement juridique", a pour sa part affirmé Peter Kazadi, avocat et directeur de cabinet adjoint de Félix Tshisekedi.
Beaucoup de congolais, quant à eux s’interrogent sur les motivations réelles de cette prise de position de l’Union africaine et surtout de son impact sur leur quotidien.
"A l’heure où nous parlons c’est Tshilombo (NDLR : Félix Tshisekedi ) qui est président. Si la SADC pense que ce n’est pas correct, cela est de son ressort et c’est à elle de trancher l’affaire. Nous n’avons aucun souci, nous voulons juste que le pays reste calme, qu’il puisse y avoir la paix dans le pays. Même s’il arrivait que les résultats du scrutin soient annulés, il faut que la population reste calme", a expliqué ce Kinois interrogé par notre envoyée spéciale à Kinshasa, Wendy Bashi.
Nous ne sommes pas une région de l’Europe et nous ne sommes pas une cour internationale. Alors nous disons non à toute pression qui peut être faite sur la Cour constitutionnelle. Nous sommes là pour accompagner le président élu Felix Tshisekedi comme président de la République Démocratique du Congo", poursuit cet autre habitant de la capitale congolaise.
Les déclarations contradictoires de Moussa Faki
Jeudi (17.01.19), peu avant le début du sommet des chefs d’Etat, le président de la commission de l’Union africaine avait adopté un ton moins offensif. Le tchadien Moussa Faki Mahamat a commencé par refuser toute ingérence.
"Nous avons aussi plaidé pour le dialogue et des moyens plus constructifs de régler les problèmes qui soient éloignés de tout acte de violence, de toute intervention extérieure ou d'interférence", a-t-il soutenu.
Deux heures plus tard, Moussa Faki Mahamat déclarait pourtant exactement le contraire en lisant le communiqué de l'Union africaine qui évoquait des "doutes sérieux" sur la validité du scrutin présidentiel.
Paul Kagame aurait dirigé ce brusque changement de ton de l'Union africaine, plus habituée à des communiqués prudents qui respectent une vieille tradition du consensus.
Paul Kagame accepte en effet mal le rapprochement observé durant la campagne entre Félix Tschisekedi, le vainqueur annoncé de la présidentielle, et le président ougandais Yoveri Museveni, ancien allié de Kagame mais dont les relations avec Kigali se sont détériorées ces dernières années.
"Ça sera injuste que de penser que c’est Paul Kagame à lui tout seul qui a tout changé. Je pense que c’est une situation qui a été longtemps déploré dans la région. Donc, c’est un mouvement de fond qui vient changer les choses et le président en exercice de l’Union africaine n’a fait que saisir un mouvement qui s’amplifie et jouer le rôle qui est celui de l’organisation régionale", estime toutefois le politologue Jean-Claude Mputu.
Dans une déclaration publiée vendredi (18 janvier), l'Union européenne, très prudente jusqu'alors, dit "s'associer" à l'Union Africaine.
Bruxelles invite par ailleurs tous les acteurs congolais à travailler constructivement avec la délégation des chefs d’Etat de l’UA attendue lundi, à Kinshasa.