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"Repousser les élections, ce serait céder à Bozizé !"

Jean-Fernand Koena
26 décembre 2020

Pour Mankeur Ndiaye, le chef de la Minusma, les élections en RCA doivent se tenir ce 27 décembre, et ce malgré les fauteurs de troubles comme l'ex-président François Bozizé.

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Mankeur Ndiaye, chef de la Minusca
Mankeur Ndiaye, chef de la MinuscaImage : SCPI/UN/MINUSCA

DW : Monsieur Ndiaye, quelle est la situation sécuritaire globale à deux jours des élections groupées en République centrafricaine?

Mankeur Ndiaye : Je peux dire que la situation globale est sous contrôle des Casques bleus, en alliance avec les Forces Armées Centrafricaines (FACA) et les forces de sécurité intérieure centrafricaines - les gendarmes et les policiers. Nous sommes sur le terrain. Nous réagissons aux différentes attaques et à cette stratégie de harcèlement de la part de certains groupes armés en alliance avec [l'ex-président, ndlr] François Bozizé,  qui ont pour objectif de bloquer le processus électoral et d'empêcher que les citoyens centrafricains ne sortent pour aller retirer leurs cartes d'électeur et ne se rendent dans les bureaux de vote le 27 décembre pour voter. Donc, nous faisons face chaque jour à des attaques sur le terrain, mais la riposte est foudroyante de notre part.

La Minusca patrouille dans les rues de Bangui
La Minusca patrouille dans les rues de BanguiImage : Nacer Talel/Anadolu Agency/picture alliance

DW : Vous parlez de François Bozizé : où se trouve-t-il aujourd'hui ?

François Bozizé est dans sa ville de Bossangoa avec Maxime Mokom (ancien chef anti-balaka, ndlr) ainsi que d'autres fauteurs de troubles pour coordonner ces opérations visant à saboter le processus électoral et à empêcher que les élections se tiennent.

DW : Aujourd'hui, le vrai défi, c'est le plan de sécurisation des élections intégrées que vous avez mis en place ensemble avec le gouvernement. Il semble que la réalité sur le terrain, c'est que 11% de l'électorat n'a pas encore eu accès à la carte d'électeur. Pensez-vous qu'aujourd'hui, avec ça, les élections vont se dérouler au suffrage universel où tous les Centrafricains qui sont inscrits puissent voter?

L'objectif, c'est de faire voter le maximum de Centrafricains. L'ANE y travaille, le gouvernement y travaille et nous y travaillons. C'est vrai qu'il y a quatre zones où le retrait des cartes n'a pas encore commencé, pour des raisons liées à la sécurité. Nous sommes en train de travailler avec la force pour rassurer les populations de ces zones, pour qu'elles sortent aller retirer leurs cartes d'électeur. Mais aujourd'hui, si nous faisons le total, 87% des centres de distribution des cartes d'électeurs fonctionnent, 87% - ce qui est remarquable. Nous travaillons à ce que les quatre centres qui restent, qui représentent à peu près 11% d'après les experts qui suivent ces questions-là, puissent commencer à fonctionner parce que le retrait des cartes va durer jusqu'au jour du scrutin. Un Centrafricain qui n'a pas pu retirer sa carte aujourd'hui, pourra retirer sa carte ce samedi ou dimanche, jour du scrutin, et aller voter.

DW : Sur le terrain, il y a la psychose qui gagne les cœurs de la population, qui craint aussi une montée en puissance de groupes armés qui tenteraient de créer des désordres avec plusieurs foyers de tension le jour du vote. Dans ce contexte-là, pourquoi ne pas encourager le gouvernement à repousser les élections et à créer les conditions optimales pour un vote dans la quiétude?

Je comprends parfaitement votre question. Je comprends également les soucis des populations qui sont sous la menace, mais qui sont également victimes de beaucoup de rumeurs. Je comprends bien ce souci. Mais rien ne nous dit que dans deux mois, trois mois, les conditions de sécurité seront meilleures qu'elles ne sont aujourd'hui. Parce que ceux qui ne veulent pas des élections, dans trois mois, ils créeront les mêmes situations pour qu'il n'y ait pas d'élection. Dans six mois, ils créeront les mêmes situations...

Parce qu'en fin de compte, Bozizé ne peut pas, ne veut pas accepter l'invalidation de sa candidature. Tant qu'il n'est pas candidat, il l'a dit, il n'y aura pas d'élection. Et donc dans six mois, il ne sera pas candidat parce que la décision de la Cour est là. Même si vous repoussez de trois mois, six mois, ce sera exactement la même chose, la même stratégie qui sera mise en œuvre. Rien ne changera.

Une caricature montrant François Bozizé débouté par la Cour constitutionnelle quant à sa candidature
Une caricature montrant François Bozizé débouté par la Cour constitutionnelle quant à sa candidature

Donc, allons vers les élections. Nous savons qu'il y a de l'insécurité dans certaines parties du territoire. Nous le savons, mais nous sommes dans un pays en conflit depuis des années. Il faut remarquer quand même que les choses se sont améliorées, si vous comparez la situation d'aujourd'hui et la situation d'il y a deux ans. Maintenant, ce sont les fauteurs de troubles comme Bozizé qui veulent complètement saboter le processus électoral parce qu'il n'en fait pas partie, mais qui alimentent cette psychose aussi. Repousser les élections, c'est céder face à eux. Et il ne faut pas céder.

Il faut y aller maintenant, travailler à ce que ces élections soient crédibles, c'est-à-dire qu'il y ait le maximum de Centrafricains qui aillent retirer leurs cartes et qui aillent voter le dimanche. Donc, nous continuons à y travailler. Mais notre position est très claire: il faut aller aux élections le 27 !