Donald Trump, en plein meeting de campagne pour le caucus du Nevada, parle de son sujet préféré : le mur pour protéger les Etats-Unis contre l'immigration irrégulière à la frontière mexicaine... Après sa victoire à la primaire républicaine dans l'Iowa et le New Hampshire, l'ex-locataire de la Maison Blanche compte bien conquérir les 26 délégués de cet Etat, le 8 février.
Plusieurs procès en cours
Le 8 février, c'est également le jour où la Cour suprême des Etats-Unis se penchera sur le recours du milliardaire contre son inéligibilité dans le Colorado. Trump a été déclaré inéligible dans cet Etat en raison de son implication dans l'assaut du Capitole, en janvier 2021.
Donald Trump est également sous le coup de trois procès au pénal, dont deux concernent sa tentative d'inverser les résultats de la présidentielle de 2020... Des affaires qui passeront au tribunal en mars, juste après le "Super Tuesday" lors duquel une quinzaine d'Etats, dont la Californie et le Texas, choisissent leurs délégués - une étape cruciale dans la course à l'investiture républicaine.
Nikki Halley, dernière rivale en course
Malgré ses démêlés avec la justice, rien ne semble arrêter l'ex-président, et certainement pas les mises en garde de Nikki Halley, son unique rivale depuis le désistement de Ron de Santis..
"Avec Donald Trump, les crises et le chaos se succèdent. Cette affaire judiciaire, cette controverse, ce tweet... vous ne pouvez pas réparer le chaos de Joe Biden avec un chaos républicain."
Les sondages donnent déjà Trump vainqueur d'un éventuel duel contre l'actuel président démocrate Joe Biden... Et d'après le New York Times, qui a rencontré des responsables politiques et chefs d'entreprises en marge du Forum économique de Davos, les élites du monde entier se préparent elles aussi déjà à un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.
Une "menace sérieuse" pour l'Europe
Un scénario qui fait frémir les Européens. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, voit par exemple dans une réélection de Trump une "menace sérieuse" pour l'Europe.
Le sort de l'Ukraine est l'une des grandes inquiétudes des Européens. Dans ses meetings, le candidat Trump multiplie les déclarations contradictoires : il promet tantôt de mettre fin à la guerre en un jour, d'accorder aux Ukrainiens plus de soutien qu'ils n'ont jamais reçu... Mais il menace aussi de couper complètement l'aide américaine à Kiev.
Sudha David-Wilp, directrice du bureau berlinois du German Marshall Fund, analyse sobrement la situation.
"Je pense que l'Ukraine bénéficie d'un soutien bipartisan, même si l'enthousiasme s'amenuise dans les rangs des républicains de la Chambre des représentants. Mais quel que soit le vainqueur en novembre, la plupart des Américains estiment que l'Europe devrait assumer une plus grande part du fardeau en ce qui concerne l'aide militaire et la reconstruction de l'Ukraine, parce que ce pays se trouve sur le continent européen."
A noter que même sans un Donald Trump au pouvoir, l'aide à l'Ukraine est actuellement bloquée au Congrès américain en raison d'un désaccord entre républicains et démocrates au sujet de la sécurisation des frontières...
L'Europe doit se renforcer
Face à une Amérique qui risque de se replier sur elle-même, Sudha David-Wilp estime que l'Europe aurait intérêt à se renforcer militairement, mais aussi économiquement.
"Je pense qu'il est très important que l'Europe devienne un acteur fort, militairement, dans un sens conventionnel, capable de s'occuper des questions de sécurité dans son voisinage immédiat. Elle est capable d'être un partenaire fort pour l'Asie, pour l'Europe, lorsqu'il s'agit d'écarter les menaces extérieures des forces autoritaires et aussi de devenir forte économiquement pour se préparer à d'éventuelles mesures protectionnistes d'un second mandat du président Trump.
Vers le retour du protectionnisme américain ?
Tout comme en 2016, le programme économique que le candidat Trump commence à égréner au fil de sa campagne est en effet foncièrement protectionniste. Il prévoit notamment une taxe de 10 % pour les produits d'entreprises étrangères commercialisés aux Etats-Unis. Une mesure qui rappelle les 25% de tarifs douaniers imposés à certains produits européens à la fin de son mandat...
Selon les analystes, la guerre commerciale menée par Trump contre l'Europe et surtout la Chine n'a pourtant pas profité aux Américains. Le pouvoir d'achat - et en premier lieu celui de l'électorat de Donald Trump - a reculé durant son mandat.
Pour le député conservateur Jürgen Hardt, porte-parole du groupe parlementaire CDU/CSU pour la politique étrangère, les Européens ne pourraient s'en prendre qu'à eux-mêmes dans le cas d'un retour de Trump au pouvoir.
"Nous avons fait bien trop peu ces trois dernières années pour aider Joe Biden à prouver que son style de coopération avec l'Europe était plus efficace que le style de confrontation de Trump. Nous n'avons pas essayé de développer une stratégie commune pour la Chine, et nous n'avons pas non plus respecté les accords en ce qui concerne nos dépenses de défense, cela s'est fait uniquement sous la pression de la guerre en Ukraine. Et nous n'avons pas non plus fait assez d'efforts dans d'autres domaines pour nous rapprocher des Américains."
Le manque d'engagement européen dans l'OTAN est un des points que critique particulièrement le député conservateur, mais il est aussi source d'inquiétude pour les Européens.
Une alternative au parapluie nucléaire américain
Pendant son mandat, Donald Trump s'est difficilement laissé dissuader de se retirer de l'Alliance transatlantique. Une anecdote rapportée récemment par le commissaire européen Thierry Breton devant les eurodéputés confirme les craintes : selon lui, Trump aurait déclaré lors d'une conversation avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen en 2020 que si l'Europe était attaquée, les Etats-Unis ne viendraient "jamais pour vous aider et vous soutenir" - fin de citation. Pendant quatre ans, le président américain a évité de donner des assurances claires sur cette question. Là encore, Sudha David-Wilp se veut toutefois rassurante.
"Je pense aussi que si Trump est réélu, il affaiblira certainement l'engagement des États-Unis envers l'OTAN. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'il y a un soutien bipartisan au Congrès pour l'OTAN. Je pense donc que l'Europe doit se préparer, trouver un moyen d'allouer de l'argent."
Selon les analystes, les pays européens ont tout intérêt à mettre de côté leurs divergences et afficher leur unité, y compris financièrement. Josef Braml, expert des Etats-Unis, estime ainsi qu'un pot de dette commun permettrait aux Européens d'assurer eux-mêmes leur défense, au lieu de compter sur le parapluie nucléaire américain. Il plaide pour que l'Allemagne s'accorde avec ses voisins français et polonais pour "coopérer plus étroitement, aussi bien dans le domaine militaire qu'économique, pour entraîner d'autres pays européens", au cas où un Trump réélu serait tenté de retirer sa protection.
Une chose est sûre : une réélection de Donald Trump ne serait pas seulement un défi pour les relations transatlantiques, mais aussi pour la cohésion européenne.
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La France veut rendre les biens mal acquis aux populations spoliées
C'est une première en France, le budget de l'Etat prévoit six millions d'euros pour "restituer" à des populations de pays étrangers des avoirs saisis dans des affaires de "biens mal acquis" par leurs dirigeants.
Les biens dits "mal acquis", ce sont des biens immobiliers, mais aussi des objets de valeur comme des peintures ou voitures, acquis illégalement par des personnalités politiques étrangères ou par leurs proches, à la suite de faits de corruption, de détournements de fonds ou autres infractions économiques initialement commises dans leurs pays d’origine.
Les autorités françaises ont mis en place un mécanisme de restitution des "biens mal acquis", mais une question se pose : comment garantir que les fonds soient remis aux populations ? Un reportage à Paris de notre correspondant Nadir Djennad.