Qui sont les Russes qui combattent les djihadistes au Mali ?
12 septembre 2024En recoupant les informations publiques et des messages publiés en ligne par des proches et des combattants, l'agence Reuters estime que plusieurs paramilitaires russes, engagés dans la bataille de Tinzaouatène, sont des survivants du siège de Bakhmut, en Ukraine, et que d'autres avaient servi en Libye et en Syrie.
Pour Jêdrzej Czerep, analyste à l'Institut polonais des affaires internationales, basé à Varsovie, la bataille de Tinzaouatène marque un tournant pour les mercenaires russes en Afrique.
"Il s'agit de la plus grande défaite subie par Wagner en Afrique, en fait le plus grand revers qu'il ait subi au-delà de l'Ukraine après une défaite en Syrie il y a quelques années" explique l'expert.
Selon lui, les Russes "considéraient qu'il s'agissait d'une opération plus ou moins sûre. Ils avaient encore l'impression qu'il s'agissait d'un combat facile. Ils se sont emparés de Kidal, la ville du nord du Mali, l'année dernière, sans aucun combat et ont donc sous-estimé la qualité des combattants touaregs qu'ils devaient affronter".
Des images de combattants russes morts à Tinzaouatène ont circulé sur internet et des parents en colère affirment que les corps de leurs maris et de leurs fils ont été abandonnés dans le désert.
Des ex-Wagner détenus par les rebelles du CSP ?
Mohamed Elmaouloud Ramadane, porte-parole de l'Alliance des groupes armés séparatistes à dominante touareg (CSP-DPA), se veut rassurant quant au sort des prisonniers.
"Notre objectif n'est pas de faire du mal à qui que ce soit, même à ceux que nous avons faits prisonniers, nous allons très bien les traiter. Nous allons les garder jusqu'à ce que leur sort soit décidé au moment opportun" a affirmé Mohamed Elmaouloud Ramadane.
Le porte-parole de l'alliance séparatiste ajoute par ailleurs qu'ils n'ont "pas de problème avec la Russie".
Selon lui "c'est la Russie qui s'est invitée dans des problèmes qui ne la concernent pas. Un problème aussi ancien, un conflit qui a des dimensions politiques, un problème qui n'a rien à voir avec ce que les autorités maliennes disent être un problème de terrorisme. Notre problème est le problème d'un peuple qui a subi la domination, d'un peuple qui a été victime d'injustices, d'oppressions, de discriminations raciales et de massacres depuis l'indépendance du Mali".
La Russie a admis, l'année dernière, avoir financé le groupe Wagner. Après la mort d'Evguéni Prigojine, l'ancien chef de Wagner, les combattants ont été invités à rejoindre l'Africa Corps, nouvellement créé par le ministère russe de la Défense.
''Il y aura un recrutement massif pour l'Afrique"
L'analyste polonais Jêdrzej Czerep estime qu'environ 6.000 mercenaires russes servent en Afrique, et que ce nombre devrait augmenter à travers de nouveaux recrutements.
"Cette nouvelle campagne de recrutement pour l'Africa Corps, qui souhaite atteindre 20.000, voire 40.000 militaires, signifie qu'il y aura un recrutement massif pour l'Afrique. Cela a créé le sentiment que c'est la meilleure occasion pour les mercenaires de se mettre à l'abri, de gagner de l'argent et de vivre une aventure tropicale" analyse Jêdrzej Czerep.
En Afrique, l'ancien groupe Wagner est apparu au Soudan en 2017. Lorganisation est également très présente en République centrafricaine. Elle est apparue pour la première fois au Mali à la fin de l'année 2021, mais les autorités maliennes refusent jusque-là d'admettre officiellement cette présence.
Au Burkina Faso, où ces paramilitaires sont aussi présents, une centaine de mercenaires russes de la Brigade Bear, arrivés en mai 2024, sont récemment repartis pour faire face à l'offensive ukrainienne sur la ville russe de Koursk.