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Polémique en Casamance autour de l'autopsie des victimes

9 juin 2023

Six jeunes ont perdu la vie à Ziguinchor, fief de l’opposant Ousmane Sonko. Leurs familles contestent le résultat des autopsies.

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Des manifestants favorables à Ousmane Sonko
Image : Muhamadou Bittaye/AFP

 Au Sénégal, le bilan officiel des victimes des troubles de la semaine dernière est de 16 morts, mais le Pastef d'Ousmane Sonko a affirmé hier en avoir décompté 26.

"On va choisir notre médecin et un avocat parce qu'on ne croit pas en eux"

Amnesty International fait quant à elle état d'un bilan de 23 victimes. L’organisation de défense des droits de l’homme réclame une enquête indépendante sur les pires troubles qu’a connu le pays depuis des années.

Six jeunes de Ziguinchor, fief d'Ousmane Sonko, sont morts dans les troubles qui ont suivi la condamnation de l'opposantà deux ans de prison ferme et à une amende financière. 

Mais les familles ne veulent pas se fier aux autopsies confiées à des médecins réquisitionnés par la justice.

"C'est Macky Sall qui a fait ça"

Ousmane Badio est l'oncle d'un des jeunes tués à Ziguinchor. Il confie que sa famille va trouver son propre médecin pour élucider les causes de la mort de leur fils.

Le président sénégalais Macky Sall
Macky Sall se donne jusqu'au 25 juin, date fixée pour la fin du "dialogue national", pour apporter des réponses à la crise, alors que les appels se multiplient pour lui demander de renoncer à briguer un troisième mandatImage : Presidency of Senegal / Handout/AA/picture alliance

''Nous, on n'a plus foi en eux, on ne croit plus en eux", déclare-t-il. "Moi, j'accuse directement Macky Sall, c'est lui qui a fait ça. Nous on l'a choisi pour qu'il nous gouverne. Lorsqu'il cherchait le pouvoir, il a sillonné tout le pays, a tendu la main au peuple sénégalais, on lui a donné ça. Pourquoi nous tourner le dos ? Quelle arrogance ! Bien sûr, nous on va choisir notre médecin et un avocat parce qu'on ne croit pas en eux.''

Madia Diop Sané, coordonnateur de l'organisation de la société civile ''Vision Citoyenne'', soutient que les familles ont des raisons d'émettre des doutes par rapport à cette justice sénégalaise qui est, selon lui, malade.

''Nous pensons profondément que ces familles des victimes ont parfaitement raison de ne plus faire confiance à cette justice sénégalaise qui est malheureusement une justice couchée. On a vu ça au mois de 2021, donc si aujourd'hui les mêmes faits reviennent, nous pouvons affirmer, sans risquer de nous tromper, que malheureusement, il n'y aura pas d'enquêtes, il n'y aura rien. Les familles vont continuer à pleurer leurs morts sans enquêtes.''

Appels à la raison

Des policiers lancent des gaz lacrymogènes sur les manifestants le 1er juin 2023
Amnesty International a décompté 23 morts et dénonce un usage excessif de la force Image : GUY PETERSON/AFP

Face à cette polémique, le journaliste et militant Aliou Cissé pense qu'on ne doit pas émettre des préjugés, rappelant que ce sont des médecins qui effectuent les autopsies.

''Quand on parle d'autopsie, ce n'est pas le juge qui fait l'autopsie, ce sont des médecins assermentés, spécialisés en la matière qui font le travail. Donc, vouloir dire que la justice ne fait pas son travail, c'est une façon de dire que les médecins légistes ne sont pas dignes de confiance ou alors qu'ils ne sont pas compétents", note Aliou Cissé.

Le procureur de la république demande un travail et il appartient aux spécialistes de lui produire ce qu'ils ont trouvé, ajoute le journaliste.

Contacté par la Deutsche Welle, Docteur Mouctar Ly, médecin légiste explique que "dès qu'il y a une réquisition, le médecin devient un collaborateur occasionnel du service public de la justice. Il traite directement avec le magistrat." 

Le toxicologue au centre anti-poison du Sénégal et aussi point focal des réquisitions pour autopsie au Sénégal ajoute que "le magistrat aussi n'est pas tenu d'appliquer les conclusions du médecin à 100%. Il peut utiliser ce rapport d'autopsie pour étayer sa décision ou passer outre et prendre d'autres argumentaires."

Cette polémique rappelle celle de l'année 2022 à Ziguinchor. Alors qu'une première autopsie avait conclu au décès d'un jeune manifestant par un objet contondant, une contre-expertise a donné raison à la famille qui soutenait la thèse d'une mort par balle.