Au Soudan, un risque d'escalade entre pro et anti-armée
18 octobre 2021Depuis samedi (16.10), des centaines de manifestants défilent, voire campent, devant le bureau d'Abdallah Hamdok à Khartoum pour réclamer la démission du Premier ministre et la dissolution du gouvernement intérimaire, composé de militaires et de civils.
Youssef Hassan, ouvrier de 65 ans explique pourquoi il est dans la rue : "Nous ne voulons pas de ce gouvernement. Nous voulons la démission de ses membres. Ce gouvernement n'est pas capable de répondre aux demandes du peuple, que ce soit pour la santé, pour le coût de la vie ou pour autre chose."
Rien n'a changé
Les manifestants appellent ainsi à un gouvernement composé uniquement de militaires. Ils ne veulent plus d'Abdallah Hamdok, ancien économiste de l'Onu, qui dirige la transition aux côtés du général Abdel Fattah al-Burhan. Dans la rue, Amer Abdel Razik en appelle au général : "Nous sommes derrière l'armée et derrière Burhan. Il n'y a rien d'autre que l'armée. Nous aimons l'armée, elle nous donne le sentiment d'être en sécurité. L'armée est capable de protéger le pays et de bien le diriger (...) Ceux qui sont au pouvoir sont venus ici avec un agenda étranger pour améliorer les choses. Mais rien ne s'est amélioré."
En effet, au sein de l'équipe de transition, l'unité n'est plus qu'un vain mot. Samedi, le ministre des Finances est même allé jusqu'à demander la démission de son propre gouvernement.
Civils et militaires se déchirent et chaque camp est lui-même en proie à de vives tensions.
Désillusion post-révolutionnaire
Ainsi, pour Luisa Arango, coordinatrice du centre d'études et de documentation économique juridique et sociale (CEDEJ), ce n'est pas tant le retour au pouvoir des militaires que veulent les manifestants
"Il serait sans doute hâtif de lire les manifestations actuelles comme une demande populaire ou comme une demande généralisée d'un retour du pouvoir militaire. Si en effet cette demande est exprimée, il faudrait aussi inscrire celle-ci dans un contexte de crise économique et dans une sorte de désillusion post-révolutionnaire qui est plutôt généralisée."
Le Premier ministre Abdallah Hamdok a décrit la situation actuelle comme la "pire crise" du Soudan post-dictature. Jeudi (21.10), ce sont les militants du pouvoir civil qui ont prévu de se retrouver pour une grande manifestation, faisant craindre de nouvelles tensions.