Soudan: Hamdok réhabilité mais la pression se poursuit
22 novembre 2021Presqu'un mois après le coup d'Etat militaire, Abdallah Hamdok, le Premier ministre déchu, est donc de retour à son poste. La signature d’un accord avec les militaires a été suivie d’une déclaration devant la presse, dimanche après-midi, au palais présidentiel, à Khartoum.
"Nous voulons arrêter de verser le sang des Soudanais. Les jeunes doivent rester en vie pour reconstruire le pays", a déclaré Abdallah Hamdok.
Colère de la rue
L’accord trouvé entre le Premier ministre, Abdallah Hamdok et l’armée, n’a pas calmé la colère des manifestants.
Des milliers de personnes ont encore manifesté dans les rues de plusieurs villes, ce dimanche (21.11.21), reprenant les chants de la révolte. De leur côté, les organisations qui avaient mené la révolte de 2019 ayant mis fin à 30 ans de dictature militaro-islamiste du général Omar el-Béchir, ont dit leur refus de "l'accord des traîtres qui n'engagent que ses signataires", selon les termes de l'Association des professionnels soudanais.
Le fer de lance de la contestation de 2019 accuse Abdallah Hamdok de "suicide politique".
À Khartoum, le cortège, qui tentait d’avancer vers le siège des autorités, a été dispersé par la police à coups de grenades lacrymogènes et de tirs.
Un adolescent de 16 ans a été tué à Omdurman, la cité jumelle de la capitale, de l’autre côté du Nil.
Pour Hissam Ahmed, un avocat de 50 ans, qui défilait parmi la foule, le retour d’Abdallah Hamdok dans ces conditions est inacceptable. Il estime que "cet accord est une blague. Ils tentent de tromper le peuple. Ce que nous réclamons, c’est un pays démocratique."
Marge de manœuvre
Abdallah Hamdok et le général Abdel Fattah al-Burhan se sont engagés à "remettre sur les rails" la transition vers la démocratie. L'armée a accepté de libérer tous les détenus politiques, sans préciser de date, et de revenir aux termes de l’accord constitutionnel signé avec les révolutionnaires en 2019, après la chute d’Omar el-Béchir. Mais les détails sont flous. Et beaucoup s’interrogent sur le pouvoir de décision dont disposera désormais le Premier ministre.
Selon la chercheuse soudanaise Kholood Khair, l’accord est favorable à la junte, qui n’y fait pas de réelles concessions.
"La junte a réalisé qu’elle n’avait pas d’argent et pas de légitimité. Les militaires ont décidé de ramener Abdallah Hamdok pour blanchir le coup d’Etat. Tout en donnant l’impression de faire un compromis, ils conservent ainsi la main sur le pouvoir, pour éviter de devoir rendre des comptes et conserver leurs intérêts économiques", explique la chercheuse.
L’accord passé ce dimanche va inévitablement diviser le mouvement d’opposition, entre ceux qui prônent la stabilité et ceux qui ne veulent plus des militaires sur la scène politique.
La communauté occidentale qui avait condamné la prise de pouvoir par les militaires et suspendu des centaines de millions de dollars d'aide, pourrait, quant à elle, s’accommoder de ce compromis.
À Khartoum, la rue craint de ne devoir compter que sur elle-même.
Soulagement
Les grands alliés arabes de l'armée soudanaise, l'Egypte et l'Arabie saoudite, ont salué l'accord. Les Etats-Unis se sont dit "encouragés" par cet accord, a déclaré de son côté le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, tout en appelant les forces de sécurité soudanaises à "s'abstenir de recourir à une force excessive contre les manifestants pacifiques".
L'Union africaine, qui a suspendu le Soudan après le putsch, a salué "un pas important vers le retour à l'ordre constitutionnel", tandis que la Norvège, membre de la Troïka à la manœuvre au Soudan, a "salué le retour de M. Hamdok" et appelé à "des mesures concrètes pour construire la confiance".