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Au Tchad, la monarchisation en marche

Blaise Dariustone
14 décembre 2022

Plusieurs opposants ont quitté le pays, d'autres sont menacés. Pour beaucoup d'observateurs, l'absence de voix discordantes risque d'ouvrir la voie à un plan de succession dynastique à la tête de l'Etat tchadien.

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Tschad Junta Mahamat Idriss Deby Itno
Image : Denis Sassou Gueipeur/AFP

Près de deux mois après la violente répression de la manifestation contre la prolongation de la transition, l'opposition et la société civile du Tchad semblent réduites au silence.

Plusieurs cadres des partis de l'opposition et des organisations de la société civile craignant pour leur sécurité ont quitté le pays.

Succès Masra compte rentrer au Tchad

Succès Masra debout la main sur le cœur
Succès Masra est en exil aux Etats-UnisImage : Julien Adayé/DW

Parmi ces personnalités qui vivent aujourd'hui dans la clandestinité ou qui ont quitté le pays, il y a l'opposant Succès Masra, président du parti Les Transformateurs, et l'avocat Max Loalngar, porte-parole du mouvement citoyen Wakit Tama

Si jusque là l'avocat Max Loalngar n'a pas dévoilé sa localisation pour des raisons évidentes de sécurité, Succès Masra, qui se trouve lui aux Etats-Unis, déclare qu'il est allé porter la voix des Tchadiens auprès des Nations unies.

"Nous ne sommes pas venus pour demander l'exil, nous sommes venus porter la voix de notre peuple avec l'obligation de rentrer au pays", a déclaré Succès Masra au micro de la DW.

"Le 20 octobre est arrivé parce qu'il y a quelqu'un qui a refusé d'honorer son engagement d'une transition de 18 mois. Mais le plan de succession dynastique ne sera jamais accepté par les Tchadiens. Et si le monde entier ferme les yeux et demande aux Tchadiens d'accepter ce plan de succession dynastique, alors toutes les options sont sur la table. Personne ne viendra à bout d'un peuple qui veut regagner sa dignité dans la justice et dans l'égalité. Et tous les moyens seront mobilisés."

L'opposition menacée n'abandonne pas

"Le pouvoir a intérêt à décrisper la situation" (Dr. Evariste Ngarlem Toldé, politologue)

Alors que bon nombre de ses camarades de lutte sont entrés dans la clandestinité, Yaya Dillo, le président du Parti socialiste sans frontières, est resté à N'Djamena. Proche parent du président de la transition, Mahamat Idriss Déby Itno, celui-ci déplore le climat politique actuel dans le pays.

"Il n'est pas normal que des grands leaders comme le président du parti Les Transformateurs, Succès Masra, ou les avocats de la société civile comme maître Max Loalngar, soient en exil pour des raisons de sécurité", déplore Yaya Dillo.

"La plupart des leaders de l'opposition sont sous des menaces permanentes, mais nous avons décidé, quel que soit le prix à payer, de rester au pays et de nous organiser pour contester toute velléité d'orienter le pays vers la dictature."

Pas de démocratie sans opposition

Pour le politologue Evariste Ngarlem Toldé, le gouvernement a intérêt à apaiser le climat politique dans le pays.

"Pratiquement, plus rien n'existe comme leader politique dans le pays et les voix discordantes sont presque toutes étouffées", affirme Evariste Ngarlem Toldé.

"On ne sait plus si c'est la monarchisation du pays qui fait son chemin. Ce durcissement du régime prouve bien que le bout du tunnel n'est pas pour demain. Dans les règles élémentaires de démocratie, s'il n'y a plus d'opposition il n'y a pas de démocratie. Le pouvoir a intérêt à décrisper la situation. Sinon, tel que c'est parti, il sera difficile pour le Tchad de retrouver la sérénité et la stabilité."

Une situation qui, pour plusieurs analystes, risque de contraindre certains mécontents à choisir l'option armée pour se faire entendre, à défaut d'un combat politique national.

Vue arienne de N'Djamena
Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais