Tchad : des dizaines d'arrestations chez les Transformateurs
9 octobre 2023Depuis dimanche 8 octobre, au Tchad, le siège du parti les Transformateurs et le domicile de l'un des vice-présidents de cette formation politique, Ndolembai Djessada, sont inaccessibles : des véhicules de la police et de la gendarmerie en assurent la garde. Cela intervient alors que le leader du parti, l'opposant Succès Masra, a annoncé son retour pour le 18 octobre prochain. Décision prise alors même qu'un mandat d'arrêt international de la justice tchadienne pèse contre lui.
Selon sa formation politique, environ 200 de ses partisans réunis pour préparer son retour ont été interpellés dimanche. "Parmi eux, il y a mon cadet, il a été amené hier soir à ma résidence menotté, et la maison a été saccagée pendant plus de 2 heures", raconte, à la DW, Ndolembai Djessad, qui vit aussi en exil. "Après avoir saccagé ma maison, ils sont répartis avec le jeune homme avant de revenir plus tard vers 21 heures avec une dizaine de véhicules pick-ups remplis de bourreaux et des tankers qui ont gardé ma résidence jusqu'à ce matin". Et d'interroger : "Parle-t-on ainsi de réconciliation nationale ?" La police parle quant à elle d'une cinquantaine de personnes interpellées pour rassemblement illégal susceptible de troubler l'ordre public.
Le siège du parti assiégé par la Police
Depuis dimanche le siège du parti et les domiciles des responsables sont ainsi assiégés par les forces de l'ordre. De quoi provoquer la colère, bien au-delà des militants. "Cela dénote du gangstérisme de l'Etat, la police doit agir dans le sens de protéger les citoyens", réagit Sosthène Mbernodji, Coordonnateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés (MCPL). "Venir perquisitionner les domiciles et monter la garde, je crois que c'est un recul regrettable. Il est temps d'arrêter cette violence gratuite qui se passe en ce moment".
Menace pour la réconciliation nationale
Le politologue Evariste Ngarlem Toldé va même plus loin : pour lui, c'est tout simplement la politique de réconciliation nationale qui est menacée. "Au moment où le gouvernement tend la main aux opposants en exil, au moment où le gouvernement parle de réconciliation nationale, on sort un mandat d'arrêt à moins de deux semaines du retour de Succès Masra. On ne comprend pas." Le politologue émet une hypothèse. "Certainement qu'il y a des faucons au sein du gouvernement qui ne veulent pas voir revenir Succès Masra au pays."
Le 10 septembre dernier, Succès Masra avait annoncé son intention de rentrer au Tchad afin de continuer la lutte au côté du peuple tchadien après un an d'exil suite aux manifestations du20 octobre 2022 qui ont fait plus de 70 morts selon le gouvernement et plus 300 selon l'opposition et la société civile. C'est alors qu'un mandat d'arrêt international émis par la justice tchadienne contre lui, et daté du 8 juin, avait été rendu public. Ce mandat réclame l'arrestation de Succès Masra pour "incitation au soulèvement insurrectionnel" à travers une vidéo postée sur sa page Facebook en mai dernier, dans laquelle il avait appelé les citoyens tchadiens à faire usage des armes pour se faire entendre.