Colère après la répression d'une marche pacifique au Tchad
15 février 2022Une poussière épaisse, mélangée aux fumées de lacrymogènes, des manifestants vêtus de noir en signe de deuil pourchassés dans les rues par la police : c'est l'image de N'Djamena, la capitale tchadienne, mardi 15 février 2022.
Il était presque huit heures lorsque les manifestants, arrivés par centaines de plusieurs quartiers, ont tenté de commencer la marche à l'Espace Fest'africa pour rallier le stade de Paris Congo dans le 6e arrondissement, pour protester contre le massacre, la semaine dernière, d'une dizaine de paysans à Sandana, un village de la province du Moyen-Chari, dans le sud du pays.
C'est à ce moment que la police a commencé à lancer des grenades lacrymogènes.
"Le Conseil militaire de transition avec son gouvernement ne protège plus la population", se désole Eric, un manifestant qui ne comprend pas l'attitude des forces de l'ordre. "Si aujourd'hui nous sommes en en deuil et qu'on manifeste notre deuil, pourquoi doit-on nous réprimer de la sorte ?"
Des manifestants blessés
Plusieurs manifestants ont été blessés, d'autres arrêtés avant d'être relâchés. L'archevêque de N'Djamena, Edmond Djitangar, venu manifester, a également reçu des éclats de grenades lacrymogènes sans être blessé, affirme-t-il.
Colère de Ricardo Nanadoumnagr, animateur culturel, un des meneurs de cette marche. "Sans armes en mains, nous sommes sortis pour faire des revendications de façon démocratique. Mais nos frères et sœurs ont été humiliés, on nous a tiré dessus avec des balles réelles et des lacrymogènes à bout portant. Il y a des frères et sœurs qui sont actuellement évacués à l'hôpital. Nous ne sommes pas sortis pour créer la guerre. Nous revendiquons nos droits parce que nous sommes dans une république démocratique. S'il n'y a pas de démocratie, qu'on nous dise de quitter ce pays ou alors on fonce vers la fédération et on divise ce pays."
L'appel de Jacqueline Moudeïna
L'avocate Jacqueline Moudeïna était aussi venue manifester ce matin, mais elle a dû se mettre à l'abri de la répression policière chez un particulier, dans le 6e arrondissement.
"Toutes les manifestations pacifiques sont réprimées au Tchad et à haute dose. En ce moment, nous sommes dans une concession mais la police nous tire dessus. Que ça suffise, que le Tchad ressemble à d'autres pays, que le Tchad soit un pays dans lequel on peut s'exprimer librement. C'en est trop, ce ne sont que des morts et du sang au Tchad. S'il y en a qui ont besoin de sang, franchement, nous avons besoin de la paix et une paix avec tout le monde, avec les voisins…"
Aucune réaction pour l'instant de la police nationale et du côté du gouvernement. Mais juste après la fin des manifestations, plusieurs responsables en charge de la sécurité, dont le directeur général de la police et le directeur général des renseignements et des investigations, ont été relevés de leurs fonctions.