Telegram, un porte-voix pour la propagande pro-russe
29 août 2024Après quatre jours de détention en France, Pavel Durov, le patron de Telegram, a été inculpé par la justice pour ne pas modérer les contenus illicites et pour ne pas coopérer dans la lutte contre le crime organisé sur la messagerie cryptée. Il a certes été libéré, mais il lui est interdit de quitter le territoire français et il doit se présenter deux fois par semaine dans un commissariat.
A Moscou, on dénonce des motivations politiques. Il faut savoir que Telegram est très utilisé en Russie par ceux qui ne peuvent s’exprimer librement, mais aussi par la machine à propagande du Kremlin.
Telegram, une application hybride
Telegram est une application qui navigue entre messagerie cryptée et réseau social. Vous pouvez y échanger des messages, participer à des groupes de discussion, suivre des canaux thématiques ou des personnalités. Telegram revendique quelque 900 millions d’utilisateurs dans le monde, WhatsApp affichait deux milliards en 2020.
La répartition de ces utilisateurs est très hétérogène, ils se trouvent avant tout en Russie, en Ukraine, et plus généralement dans les pays de l’ancien bloc soviétique.
Dans l’Union européenne, Telegram affiche officiellement 41 millions d’utilisateurs actifs, encore en dessous de la barrière des 45 millions de personnes à partir de laquelle l'Union europénnne devient responsable de la supervision des "très grandes plateformes en ligne".
Au nom de la liberté d’expression
L’application échappe largement aux régulateurs. Pavel Durov estime qu’aucun gouvernement ne devrait pouvoir censurer ce qui se dit sur internet. En 2015, il postait que "la vie privée, en fin de compte, est plus importante que notre peur que de mauvaises choses se produisent, comme le terrorisme".
Sa défense de la liberté d’expression totale lui permet aujourd’hui d’avoir le soutien d’Elon Musk ou encore du lanceur d’alerte Edward Snowden.
Si cette philosophie a, comme l’écrit le New York Times, permis à Telegram de "devenir une application de conversation populaire auprès des Russes, des Iraniens et d'autres personnes vivant sous des gouvernements autoritaires, le laisser-faire de Pavel Durov en matière de contrôle a également attiré des terroristes, des extrémistes, des vendeurs d'armes, des escrocs et des trafiquants de drogue".
Aussi, Telegram est devenu un outil de la propagande russe pour justifier la guerre en Ukraine. Au-delà de la machine à désinformation, les troupes russes se sont servies de la messagerie cryptée pour coordonner leurs opérations sur le champ de bataille, ou encore communiquer sur la trajectoire de missiles.
Moscou craint de perdre une arme de guerre
A Moscou, on craint désormais que Pavel Durov cède à la justice française la clé pour décrypter la messagerie. Et selon un expert de la propagande russe, interrogé par l’Agence France Presse, les blogueurs pro-russes, qui comptent parfois des dizaines de milliers d'abonnés, "sont terrifiés" à l’idée que les services de renseignement occidentaux aient accès à la messagerie.
La cheffe de la chaîne publique russe RT, interdite de diffuser dans l’Union européenne depuis 2022, a ainsi appelé les Russes à supprimer leurs messages sensibles. Elle explique que Pavel Durov va donner les clés de décryptage à la France.
Cette inculpation pourrait en tout cas pousser le Kremlin à devoir trouver une alternative à Telegram.