Ukraine: le calvaire des étudiants africains à Kherson
22 mars 2022"Nous sommes passés par des zones à risque qui étaient déjà bombardées. Ensuite, nous sommes arrivés au poste de contrôle. A environ 15 mètres de nous, ils [les troupes russes] ont pointé [des armes] sur nous", explique Jeremiah Akpan, un étudiant nigérian bloqué en Ukraine à Kherson.
Il faut savoir que Kherson est une ville portuaire d'environ 290.000 habitants située près de la mer Noire. Elle a été l'une des premières villes à tomber aux mains de l’armée russe au début du mois de mars.
Jeremiah Akpan se souvient que sa première tentative pour partir a eu lieu le 24 février, au tout début de la guerre. Avec d’autres ils ont dû rebrousser chemin."Il y avait un gars qui avait pris un drapeau égyptien qu’il a commencé à agiter. Sans dire un mot, ils nous ont demandé de faire demi-tour en faisant des signes de la main" se souvient l’étudiant en deuxième année de navigation maritime.
Retranché dans un sous-sol
Aussitôt retourné à Kherson, Jeremiah Akpan s’est caché dans le sous-sol de son école. Le lendemain, avec trois autres personnes, ils ont appelé un chauffeur de taxi qui se trouvait en dehors de la ville.
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Malgré les risques encourus et le nombre de barrages érigés dans la ville, il a accepté de venir les chercher. Malheureusement, ils venaient à peine de parcourir une courte distance qu’ils ont été à nouveau arrêtés par des soldats russes.
Le chauffeur est descendu, s'est dirigé vers les soldats tout en expliquant que les jeunes occupants du véhicule étaient des étudiants étrangers. Après un échange houleux avec les soldats, ces derniers ont dégonflé les pneus du taxi.
Jeremiah Akpan se remémore la scène qu’il a suivie de loin. Après cette seconde tentative avortée, il s’est à nouveau réfugié dans un sous-sol où d’autres personnes l’ont rejoint.
Le 15 mars, il a compté 87 personnes dans le sous-sol où il avait trouvé refuge. En tant que responsable de l'union des étudiants étrangers de Kherson, Jeremiah Akpan est responsable de toutes ces personnes. Selon les autorités nigérianes, environ 80 étudiants attendent toujours d'être évacués à Kherson.
Enlevés et détenus aux côtés d'Ukrainiens
Le 13 mars, quatre étudiants ont tenté pour la troisième fois de s’évader de la ville.
Jeremiah Akpan n'était pas parmi eux et il n'était pas au courant de leur départ. S’il avait su, il les aurait découragés.
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Selon ce qu’ils lui ont raconté ensuite, lorsqu'ils sont arrivés au troisième point de contrôle, les soldats russes leur ont ordonné de sortir du taxi. Les militaires ont contrôlé leurs passeports et leurs sacs, pour ensuite leur ordonner de remettre leurs bagages dans le taxi.
Le chauffeur a été contraint de retourner à Kherson tandis que les militaires ont bandé les yeux des étudiants. Ils ont été retenus à l'intérieur d'un char pendant environ deux heures. Les soldats ont ensuite conduit le char vers une destination inconnue.
Après être restés dans un bâtiment où ils se sont retrouvés dans une pièce sombre avec des Ukrainiens, les soldats les ont conduits jusqu’à un village où ils les ont abandonnés. En plein hiver, ils ont marché toute la nuit avant d’arriver à Kherson le lendemain aux alentours de midi.
Des jours plus sombres en perspective
Danielle Ijeoma Onyekwere, cofondatrice de Diaspora Relief, une association à but non lucratif qui travaille en collaboration avec l'ambassade du Nigéria en Hongrie pour évacuer les étudiants d'Ukraine, a expliqué à la Deutsche Welle que la situation à Kherson est plus compliquée que celle de Soumy, une autre ville ukrainienne située au nord-est, près de la frontière russe.
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Selon elle, les soldats russes ont non seulement envahi l'ensemble de Kherson mais ils sont présents dans toutes les parties de la ville.
Danielle Ijeoma Onyekwere conseille donc aux étudiants de ne pas tenter de s’enfuir par leurs propres moyens.