Un hommage tardif de l'Allemagne
7 mai 2015"Plus de trois millions de ces prisonniers de guerre, Russes, Ukrainiens, Kalmouks ou Ouzbeks, captifs des Allemands sont morts de maladie, de faim, de mauvais traitements ou ont été abattus". La Frankfurter Allgemeine Zeitung rapporte cette phrase du discours du président allemand prononcé mercredi au Stalag 326, dans l'ancien camp de prisonniers de Holte-Stukenbrok près de Paderborn, dans le nord de l'Allemagne. Joachim Gauck a aussi évoqué- à raison, estime le journal- les images d'horreur de la conquête de l'est de l'Allemagne par l'Armée Rouge. Des images qui ont aidé de nombreux Allemands à refouler leurs propres méfaits et à se présenter parfois eux-mêmes comme victimes."
La Süddeutsche Zeitung relève que "les rapports de Joachim Gauck avec l'ex -Union Soviétique ont été, pendant une grande partie de sa vie, des rapports empreints de colère. Le président ne l'admet pas volontiers, mais c'est un fait. Gauck était enfant pendant la guerre, fils de parents tous les deux véhéments anti-communistes et membres du NSDAP, le parti national-socialiste. Après la guerre son père a été déporté dans un camp de travail en Sibérie.
Quand il s'incline, au jour anniversaire de la libération devant les victimes de l'Armée Rouge, il ne prend pas seulement congé de la vieille image de l'ennemi qu'ont longtemps été les Russes dans la pensée collective allemande. C'est aussi une tentative de réconciliation avec sa propre biographie"…conclut le journal.
La plupart des journaux reviennent d'ailleurs sur cet aspect de ce qu'a vécu Joachim Gauck pendant la guerre et après dans l'Allemagne de l'Est communiste.
La Berliner Zeitung relève qu'en 1951 alors que Joachim Gauck avait 11 ans et vivait en RDA, l'Allemagne de l'est sous la férule soviétique, son père a été arrêté par la police secrète soviétique et déporté dans un Goulag en Sibérie. Ce n'est qu'à l'automne 1955 qu‘il est rentré, à bout de forces, en RDA. D'un côté cette histoire est privée, mais de l'autre elle a pris une dimension politique. L'homme qui est maintenant le président de l'Allemagne et dont le père a été déporté en Russie tient un discours dans lequel il dit: "La mort de ces millions de soldats de l'Armée Rouge soviétique dans les camps de prisonniers allemands a été l'un des plus grands crimes commis sous l'Allemagne nazie". Joachim Gauck sait ce que son père a enduré en captivité. Le journal de Berlin conclut: le président montre que l'on doit surmonter son vécu personnel si l'on veut, lors de telles journées commémoratives, considérer l'Histoire avec sincérité."