Un prix Nobel de la paix contre les violences sexuelles
5 octobre 2018Le prix Nobel de la paix a été attribué ce vendredi 5 octobre au médecin gynécologue congolais Denis Mukwege et à la Yazidie Nadia Murad, ex-esclave du groupe Etat islamique. Ce choix intervient comme l'apogée d'une prise de conscience globale, dans la foulée du mouvement "MeToo" et alors même que l'Académie Nobel a été secouée par une affaire de viol au sein même de son institution.
L'Académie suédoise, qui décerne le prix Nobel de littérature, est en effet ébranlée par un scandale de viol qui s'est soldé par l'annulation du prix Nobel de littérature 2018. Le Français Jean-Claude Arnault, marié à une académicienne, a été condamné, début octobre, à deux ans de prison pour le viol en octobre 2011 d'une jeune femme dans un appartement de Stockholm.
"Il faut plus d'activistes"
Pour Peace Tumwesigire, une journaliste rwandaise, activiste de la lutte contre les violences faites aux femmes, le prix Nobel de la paix décerné à Mukwege risque toutefois de ne pas changer beaucoup la situation sur le terrain."Je ne vois pas vraiment en quoi ce prix jouera sur la prise de conscience dans le sens de cette lutte contre les violences. Cela n'est pas un acte de justice. On peut peut-être penser à avoir plus d'activistes."
Surnommé le "réparateur des femmes", Denis Mukwenge opère dans une région, le Sud Kivu, devenue le théâtre d'affrontements entre différentes armées de la sous-région et les groupes rebelles.
Pour Dufina Tabu, un activiste congolais des droits de l'homme, ce prix est mérité pour quelqu'un qui a pu mener une telle bataille dans une situation dangereuse. "Quand je dis qu'il s'implique à aider les femmes violées pendant la période de guerre, il faut comprendre que pendant la période du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie, ndlr), ce n'était pas chose facile. Il a condamné ces violeurs, et il a osé dire à haute voix que ceci était fait par les rebelles", dit-il.
Panzi, refuge des victimes
L'hôpital de Panzi au Sud-Kivu où opère le médecin est considéré comme un refuge pour un grand nombre de femmes et enfants victimes des viols, orchestrés principalement par les multiples groupes rebelles de la région. Le prix décerné aujourd'hui représente beaucoup pour les patients et personnels rencontrés par la DW (pour écouter les réactions, cliquer sur l'image au dessus de cet article).
Si Mukwege fait son travail de médecin, sa co-lauréate, la Yazidie Nadia Murad, a été victime de ces violences. En 2014, captive des djihadistes du groupe Etat Islamique, elle a été violée de multiples fois par ses bourreaux, tout comme des centaines d´autres femmes et enfants Yazidis, une ethnie minoritaire d'Irak. Mais au lieu de se taire par peur ou à cause de la honte, comme le font beaucoup de femmes, elle a décidé de lever la voix contre l'abus systématique des femmes comme arme de guerre.