Une page de 42 ans se tourne en Libye
20 décembre 2011Benghazi, la frondeuse. La révolte est née dans cette ville de l'Est d'une manifestation pour les droits des familles d'Abou Slim, la prison où la sécurité de Kadhafi a fait des centaines de morts en 1996. Fatma est une des femmes qui ont manifesté ce 17 février où tout a commencé :
« Nous avons manifesté pour nos enfants qui sont morts. Nous ne voulions que le bien. On ne s'en prenait pas à Mouammar, même s'il n'a rien fait pour nous. Après 42 ans, il est parti. Dieu nous a donné la victoire. Maintenant, nous voulons recommencer avec un gouvernement nouveau et que les droits de nos enfants soient garantis. »
De l'autre côté de la Libye, une autre ville se soulève, Zaouiya
Comme à Benghazi, les hommes des comités révolutionnaires tirent à balles réelles sur les manifestants. Comme à Benghazi, des hommes de l'armée font défection et Feeras, jeune diplômé, se retrouve pour la première fois avec une arme à la main :
« Bien sûr que j'ai eu peur. Mais quand on se retrouve face à l'ennemi, cela devient une question de vie ou de mort. On doit se défendre, défendre sa terre, sa nation, sa famille... On a affronté trois brigades dont celle de Khamis Kadhafi et ses chars, les sécurité intérieure, extérieure. Avec l'aide des officiers défaits on a finalement pu prendre la ville avant d'aller libérer la capitale puis Beni Walid. »
L'Otan intervient
L'entrée en scène de l'Otan en mars empêche les chars de Kadhafi d'entrer dans Benghazi... et c'est la guerre. Avec ses morts, que les nouvelles autorités estiment à 25.000, ses blessés, les nombreuses exactions commises des deux côtés et sur lesquelles l'ONU enquête. Huit mois d'un conflit féroce où les villes sont prises, perdues puis reprises par ceux qu'on appelle désormais les rebelles. La priorité du gouvernement nommé le mois dernier est maintenant de désarmer les thouars qui contrôlent des points et axes stratégiques, autour de Tripoli notamment. Et leur trouver une place dans le futur appareil sécuritaire libyen. Abdlkarim Bazama est le conseiller sécurité du Conseil national de transition :
« Notre priorité est de récupérer les armes, de s'occuper des combattants, les soigner. Après, seulement, nous pourrons instaurer un régime démocratique et organiser des élections en mai prochain pour mettre en place des autorités souveraines. »
Fin de partie
Le 20 octobre dernier, la mort violente de Mouammar Kadhafi dans son bastion de Syrte marque la fin de la guerre et de 42 ans d'un règne sans partage. Passé l'euphorie de la victoire, tout reste à écrire en Libye. Pour l'heure, Feeras garde sa kalachnikov. Il fait partie de la brigade de sécurité de Zaouiya. Mais il sait qu'il ne gardera pas son arme éternellement. « Avant, la Libye c'était Mouammar et Mouammar était la Libye. Désormais, le pays est ce que j'ai de plus cher car si la situation de la Libye s'améliore, ma vie aussi s'améliorera. »
Auteur : Aabla Jounaïdi
Édition : Georges Ibrahim Tounkara