Vague de violences djihadistes au Mozambique
28 mars 2024Au Mozambique, depuis le début de l'année, les habitants de Cabo Delgado vivent à nouveau dans la peur. Plusieurs stations balnéaires ont été le théâtre de combats entre les forces de sécurité et les djihadistes. Conséquence : entre début février et début mars, environ 100.000 personnes ont fui. Parmi elles, 61.000 enfants, selon les chiffres de l'OIM, l'Organisation internationale pour les migrations.
Un regain de violences, alors que cela fait sept ans déjà que le conflit est latent dans cette province septentrionale du Mozambique. Régulièrement, des témoins rapportent des cas de décapitations et d'enlèvements. En tout, depuis le début du conflit armé en 2017, environ 780.000 personnes ont été chassées de chez elles à cause des violences.
Des liens avec la RDC
Une situation qui rappelle celle qui prévaut dans les provinces de l'Ituri et du Nord Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo. Là-bas ce sont environ sept millions de personnes qui ont fui les affrontements entre, d'un côté, l'armée congolaise et ses alliés, et de l'autre, différents groupes rebelles, dont les plus importants sont le M23, soutenu par le Rwanda, et les ADF, affiliés au groupe Etat islamique.
"En RDC, les forces gouvernementales congolaises et ougandaises sont à l'offensive pour repousser leurs adversaires, en grande partie des combattants islamistes", explique Fernando Cardoso, expert en relations internationales à l'université de Lisbonne. "Ces derniers se replient alors vers la Tanzanie et pénètrent ensuite dans le nord du Mozambique, où ils viennent alimenter la guerre dans le Cabo Delgado, notamment avec des armes, des capacités et un commandement. C'est cela qui démoralise actuellement les troupes mozambicaines".
"Interconnexion entre les différents groupes"
Selon cet expert, ces derniers mois, un nombre non négligeable de combattants djihadistes lourdement armés se sont ainsi déplacés de l'est de la RDC vers la province de Cabo Delgado. Une région qui, de par son isolement, fournit une base idéale pour leurs activités, selon Egna Sidumo, experte en sécurité. "Il existe des liens étroits entre les différents groupes terroristes et islamistes de la région", assure l'experte actuellement en poste à l'université Bergen, en Norvège. "Il ne fait aucun doute que l'Ouganda, la Tanzanie et la RDC ont des combattants qui opèrent au Mozambique, bien plus intensivement qu'autrefois", selon elle. "Des rapports font même état de la présence de combattants kenyans et sud-africains. Ils participent tous à l'idée d'un califat sur la côte swahilie. Il y a donc une grande interconnexion entre les différents groupes".
Pour Egna Sidumo, la seule issue possible se trouve dans le renforcement des forces de sécurité nationale et une véritable coopération entre les différents Etats affectés. Jusqu'à présent, deux vœux qui restent pieux. De son côté, le journaliste d'investigation congolais, Fiston Mahamba, confirme lui aussi l'intensification des liens entre les deux zones de conflit et au-delà, entre les groupes djihadistes sur tout le continent.
Demandes de rançons
Cofondateur de Congo Check, un portail de vérification d'informations, il s'est en particulier penché sur les sources de revenus des organisations islamistes en RDC. "Ils reçoivent tout ça de contrebande locale, ils font des kidnappings, après ils demandent des rançons", explique-t-il. "Au Congo, ils ont accès parfois aux minerais et au cacao, ça c'est très, très documenté. Après, il y a aussi le financement international, donc ils reçoivent des combattants qui viennent de Syrie, qui viennent d'Irak avec du cash."
Impossible donc d'ignorer l'influence des groupes terroristes dans l'est de la République démocratique du Congo sur leurs pairs au Mozambique. Un constat qui se traduit aussi au niveau linguistique : la plupart des vidéos de propagande publiées par les djihadistes à Cabo Delgado sont rédigées et publiées en kiswahili, une langue parlée en Tanzanie, en Ouganda et dans l'est de la RDC.