Des milliers d'étudiants reprennent le chemin des facs pour le semestre d'été cette semaine en Allemagne. Retour à l'école aussi progressivement pour les plus jeunes, après les vacances de Pâques. Vu d'Allemagne en profite pour se demander comment vont les jeunes Allemands et Allemandes en ce printemps 2023.
Plusieurs études récentes se penchent sur cette question après plusieurs années de pandémie. Et les résultats ne sont sont pas très réjouissants. Premier exemple avec une étude commandée par une caisse d'assurance maladie. Des jeunes de 14 à 17 ans ont été questionnés. Les auteurs de l'étude leur ont demandé, par exemple, s'ils étaient optimistes : seuls 39% répondent par l'affirmative. C'était encore plus de 55% l'année d'avant, en 2021.
Une accumulation de problèmes
Une autre étude récente apporte des réponses sur les raisons de ce pessimisme. Co-menée par Simon Schnetzer, chercheur sur la jeunesse, l'étude menée avec des jeunes de 14 à 29 ans, met le doigt sur l'accumulation des problèmes. "Un mode crise permanent", explique le chercheur. "Les jeunes ont le sentiment d'être comme dans un tunnel à cause du changement climatique, puis de la pandémie de Covid-19. Ils se demandent quand on va enfin revenir à un mode de vie normal", poursuit-il. "Et alors qu'ils pensaient que la pandémie était lentement terminée, la guerre est arrivée et avec la guerre l'inflation, et c'est pourquoi ce sentiment de crise permanent, un sentiment que ça ne s'arrête plus."
Un sentiment qui a parfois des conséquences concrètes, sur la santé notamment. Simon Schnetzer parle d'une "solicitation permanente des jeunes au plan psychique" et évoque le stress, très répandu chez les adolescents et les jeunes adultes. Pire, "nous avons aujourd'hui 26% des jeunes de 14 à 29 ans qui disent avoir déjà fait l'expérience de la dépression", détaille le chercheur qui mène cette étude depuis 2010. "Et un résultat encore plus effrayant de la dernière étude est que 10% d'entre eux disent avoir des pensées suicidaires. C'est un chiffre alarmant que nous n'avions pas dans le passé."
La guerre, parmi les craintes les plus citées
La faute donc aux crises globales qui se multiplient. Ce sont elles qui inquiètent le plus les jeunes. Crainte numéro un dans l'étude citée plus haut : la guerre. Une peur liée au conflit en Ukraine, très perceptible et proche géographiquement de l'Allemagne. "Pour les jeunes d'aujourd'hui, cette crainte de la guerre est complètement nouvelle", explique Simon Schnetzer. Dans son étude, l'inquiétude concernant une guerre en Europe est la deuxième la plus citée, après l'inflation. "Leurs parents ont parfois connu cela avec la guerre froide, la menace d'une guerre nucléaire. Pour ces baby-boomers, c'était un scénario permanent. Mais pour les jeunes qui se comparent aujourd'hui à leurs frères et sœurs plus âgés, la guerre est quelque chose de totalement nouveau".
Une guerre qui a des conséquences multiples. Elles sont notamment financières. "L'inflation fait que les jeunes ne savent pas s'ils auront encore assez d'argent pour satisfaire leur niveau de vie", énumère le chercheur. "Ce qui est intéressant avec cette inquiétude concernant l'inflation, c'est que les jeunes ont tout de même énormément de choses. Si l'on regarde de l'extérieur, ils se portent plutôt bien. Mais c'est ce qui est si difficile pour les jeunes : ce sentiment de devoir dire adieu à un niveau de bien-être auquel ils pensaient avoir droit ou accès dans le futur."
Et puis, même si l'Allemagne est l'un des pays les plus riches d'Europe, voire du monde, les jeunes ont là aussi des diffcultés économiques. En moyenne, selon les derniers chiffres officiels, qui datent d'il y a plusieurs années, les étudiant allemands ont un peu plus de 900€ par mois à leur disposition. Or rien qu'une chambre en colocation, chambres très prisées en Allemagne, coûte en moyenne 458€ par mois selon des chiffres récents.
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Simon Schnetzer revient aussi sur les conséquences psychologiques de la guerre."Il y a une différence avec le passé, c'est qu'auparavant on s'informait sur la guerre par le journal, par les informations et que les images de la guerre étaient filtrées par les médias. Aujourd'hui, les jeunes regardent directement des vidéos via les téléphones, des vidéos prises dans les tranchées, où l'on voit des gens exploser, des corps gisant. Cette vision non filtrée de la guerre agit sur le moral des jeunes, à tel point qu'ils disent en partie : « Je préfère ne consommer que des émissions de cuisine et des vidéos de fitness dans ma bulle. Car je ne peux pas supporter de lire autant de mauvaises nouvelles.»".
Des mauvaises nouvelles qui s'accumulent. Celles concernant le réchauffement climatique sont aussi très présentes. Elles inquiètent toujours plus les jeunes selon les études menées.
Des aides parfois mises en place
Pour tenter de faire face à ces problèmes, des aides ont parfois été mises en place. Des aides psychologique ou financières. Le mois dernier les étudiants pouvaient par exemple faire une demande d'aide de 200€ pour aider à payer leurs factures d'énergie. Dans certais Bundesländer, certaines régions allemandes, de l'argent a aussi été débloqué pour venir en aide aux enfants et jeunes particulièrement défavorisés. Cela représente plus de 2 milliards pour des projets dans les crêches ou les écoles par exemple en Bavière. De l'argent pour tenter de contrer les retards d'apprentissage et de développement chez ces populations.
"J'ai moi-même eu affaire à des projets qui ont vu le jour grâce à cet argent et cela a bien sûr aidé, parce que de nombreuses choses ont pu être proposées. Le besoin était urgent", salue Simon Schnetzer. "Il faut voir aussi qu'avec la pandémie des choses s'étaient comme "endormies", parce que ce n'était plus possible à cause des restrictions. Cela signifie qu'une grande partie de cet argent a également aidé à reconstruire des structures, à les réactiver."
Mais Simon Schnetzer insiste : il faut maintenant de la "continuité", ne pas laisser les projets disparaitre à nouveau. Des projets qui aideront peut-être à remonter un peu le moral de la jeunesse. Elle en a bien besoin. Beaucoup de jeunes se plaignent encore de problèmes de concentration, plus de la moitié même des 14 à 29 ans. D'autres, même s'ils sont moins nombreux, de sommeil de mauvaise qualité.
Un point positif tout de même des dernières études sur le sujet : l'emploi. Les craintes de ne pas trouver de travail existent, mais ne concernent qu'une minorité de jeunes.
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Le Québec tente de limiter les entrées de migrants
Le grand reportage de cette émission nous emmène entre le Canada et les Etats-Unis. Sur un petit chemin qui mène de l'Etat de New York, aux Etats-Unis, jusqu'au Québec, une province du Canada. C'est sur ce chemin que l'année dernière, près de 40.000 migrants sont entrés de manière irrégulière au Canada. Une fois sur place, ces personnes se faisaient intercepter par les agents frontaliers et pouvaient faire leur demande d'asile. Débordées, les autorités du Québec ont demandé aux autorités nationales des deux pays d'agir. Résultat : tout est en train de changer en ce moment pour les migrants qui passaient par là. Sur place, Alexis Gacon détaille tout cela.
Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros sur cette page, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes.