Wikileaks dévoile les secrets de Guantanamo
27 avril 2011Depuis deux jours, ces médias, dont le magazine allemand Der Spiegel et le quotidien français Le Monde, épluchent des détails ahurissants sur les 779 personnes qui ont été détenues à partir de 2002 sur la base navale américaine à Cuba. Dans la grande majorité des cas, les autorités n'avaient que quelques faibles indices qui permettaient de soupçonner les personnes concernées.
Au moins 150 innocents à Guantanamo
Naqib Ullah est originaire d'un petit village afghan. Il a quatorze ans lorsqu'il arrive à Guantanamo. Nous sommes en 2003. Des soldats américains l'ont capturé dans un camp de talibans. Il tient une arme à la main ... qui n'avait jamais servi. Au fil des interrogatoires, l'administration américaine apprendra qu'il avait été kidnappé et violé par une douzaine d'hommes, qui l'avaient contraint à travailler pour eux. Au bout de huit mois, les enquêteurs décident que le jeune homme n'a jamais été « un combattant ennemi ».
Voici en résumé le contenu de l'un des fichiers individuels d'un ancien prisonnier de Guantanamo mis à la disposition des médias par le site Wikileaks. Sur les 779 personnes qui ont été internées sur l'île de Cuba depuis 2002, au moins 150 étaient innocents, au moins 220 étaient de simples seconds couteaux. Seules 220 sont considérées par Washington comme de dangereux extrémistes. Les révélations de Wikileaks confirment ce que les experts soulignaient depuis longtemps : il ne fallait pas grand'chose pour être interné à Guantanamo : une visite à une mosquée située près d'un repère de talibans ou le port d'une montre particulière alors que l'on se trouvait à un endroit où une bombe venait d'exploser suffisent à attirer les soupçons.
« Catastrophe morale et juridique »
Pour le New York Times, ces nouvelles fuites montrent la catastrophe morale et juridique mise en place par l'administration Bush. Les journalistes se penchent notamment sur le cas de cet Afghan de 89 ans qui souffrait de démence sénile. Il a passé 10 mois sur la base navale américaine en 2002 après avoir été arrêté en possession d'un téléphone satellitaire…dont il ne savait pas se servir.
Au cours de sa campagne électorale, en 2008, Barack Obama s'était engagé à fermer Guantanamo, devenu le symbole des effets pervers de la guerre contre le terrorisme. Le président américain n'y est pas parvenu. Neuf ans après sa création suite aux attentats du 11 septembre 2001, 172 hommes y sont toujours détenus. La Maison blanche a réitéré début avril son engagement à fermer la prison. Mais les accusés du 11 septembre y sont quand même jugés, et non devant un tribunal de droit commun.
Parmi les autres révélations de Wikileaks, qui ne vont pas arranger les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan : les services secrets pakistanais (l'ISI) figurent parmi 70 organisations considérées comme « terroristes ou soutenant des entités terroristes » dans une liste secrète établie en 2007 par les Américains.
Auteur : Carine Debrabandère
Edition : Marie-Ange Pioerron