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Algérie-Maroc : une crise qui ne risque pas d'aller loin ?

25 août 2021

Les appels au calme se multiplient depuis l'annonce de l'Algérie. La rupture pourrait être limitée, pour préserver des enjeux économiques importants.

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Le roi marocain Mohammed VI (droite) a félicité le président algérien Abdelmadjid Tebboune à son élection
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le roi marocain Mohammed VI

Après l'annonce ce mardi (24.08.2021) par l'Algérie de la rupture immédiate de ses relations avec le Maroc, Rabat dénonce une décision prise sur la base de prétextes. Cette escalade intervient au terme d'une nouvelle période de tension entre les deux pays.

Récemment en effet, l'Algérie a refusé l'offre d'aide du Maroc pour faire face aux incendies en Kabylie et a accusé son voisin de soutenir un groupe indépendantiste dans cette région. Cette crise entre les deux pays ne risque toutefois pas d'aller trop loin en raison d'enjeux économiques importants. 

Des "prétextes absurdes" selon le Maroc

Les frontières sont fermées entre l'Algérie et le Maroc depuis 1994 (Archives - Oujda, 2005)
L'Algérie et le Maroc ont des relations précaires qui se sont enflammées ces dernières semainesImage : Corentin Fohlen/maxppp/picture-alliance

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le chef de la diplomatie marocaine regrette une décision, "complètement injustifiée basée sur des prétextes absurdes... mais une décision prévisible au regard de la logique belliciste observée ces dernières semaines".

Parmi les griefs de l'Algérie : un appel du représentant marocain aux Nations unies demandant de soutenir l'autodétermination de la Kabylie, "ce qui est considéré comme une ligne rouge en Algérie puisqu'il s'agit de l'unité territoriale", rappelle l'expert Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, basé à Genève.

L'affaire Pegasus

"Deuxième acte, c'est bien sûr la publication par un consortium composé de plusieurs médias avec Amnesty International de noms de personnalités algériennes et notamment des militaires haut gradés, des ministres et des membres de la société civile espionnés par les services marocains à l'aide d'un logiciel israélien", explique encore Hasni Abidi.

>>> Lire aussi : Pegasus, un logiciel au service de la surveillance d'Etat

La décision prise par l'Algérie et dont l'effet est immédiat suscite la déception de certains Marocains dont Hatim, un professeur d'université. "C'est vraiment très dommage, vu l'appel qui a été lancé par sa Majesté à l'occasion de la fête du trône", réagit l'universitaire.

Professeur Hatim : "C'est vraiment très dommage"

La main tendue du roi marocain

Fin juillet, le roi Mohamed VI avait déploré les "tensions" avec l'Algérie, invitant le président algérien Abdelmadjid Tebboune "à faire prévaloir la sagesse" et "oeuvrer à l'unisson au développement des rapports" entre les deux pays.

Même si le ton reste calme côté marocain, Alger se montre ferme. Que va-t-il maintenant se passer ? "Cette crise de rupture des relations diplomatiques nous rappelle celle de 1994 quand le Maroc a accusé l'Algérie d'être derrière l'attentat contre l'hôtel Atlas Asni, en imposant le visa aux Algériens et aux Européens ou Français d'origine algérienne. Une décision qui a irrité les autorités algériennes qui ont répliqué par la fermeture des frontières et ces frontières sont fermées jusqu'à aujourd'hui", pense Hasni Abidi.

>>> Lire aussi : Rabat hausse le ton, Berlin affiche son incompréhension

Le spécialiste du Maghreb dit croire "que la réaction algérienne, celle d'aujourd'hui, est attendue dans le sillage de celle de 1994. Généralement, quand il y a une crise entre Alger et Rabat, c'est plutôt la ligne dure qui l'emporte. C'est une décision qui revient au domaine sécuritaire et on sait que les acteurs sécuritaires n'ont pas la même sagesse politique que les hommes politiques qui, eux, ont une vision différente". L'expert s'attend aussi à ce que cette brouille dure car estime-t-il, elle est aussi nourrie par la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, et Alger ne souhaite pas voir l'Etat hébreu agir à ses frontières.

L'Algérie dénonce des actes hostiles du Maroc

Des bâtiments dans la zone frontalière entre l'Algérie et le Maroc (Archives - Oujda, 13.09.2013)
L'Algérie accuse le Maroc de soutenir des mouvements indépendantistes kabyles et le Maroc accuse l'Algérie de soutenir le Front Polisario au Sahara OccidentalImage : Getty Images/AFP/F. Senna

La fermeté de l'Algérie s'explique par des enjeux internes, pense Isabelle Verenfels, experte en science politique à Berlin.

"Sur le plan interne, cela va à l’avantage du gouvernement algérien qui montre qu’il prend des mesures contre des organisations qui sont suspectées ou accusées de coopérer avec le Maroc. Comme le mouvement indépendantiste kabyle ou le mouvement islamiste Rashad. Il est désormais possible de durcir la riposte contre ces organisations puisqu’on considère qu’elles sont en contact avec l’Etat ennemi qui est le Maroc. Il a été certes dit que les consulats resteraient ouverts. Or de facto, il n’y a vraiment plus grand-chose qui se passe sur le plan consulaire entre les deux pays. C’est tout à fait de la poudre aux yeux", assure l'experte allemande.

En effet dans sa communication, le ministre algérien des Affaires étrangères a affirmé que les activités consulaires allaient se poursuivre.

Le gazoduc algéro-marocain

Par ailleurs, les deux pays sont liés par un contrat d'acheminement de gaz de l'Algérie vers l'Espagne via le Maroc.

Un contrat qui devrait être renouvelé en octobre, même si le ministre algérien Ramtane Lamamra préfère laisser le suspense en affirmant que la décision reviendrait à la société nationale Sonatrach.

Photo de Fréjus Quenum, en interview dans le studio de la Deutsche Welle à Kinshasa en RDC (05.12.2024)
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum