L'Allemagne débat de la livraison d'armes lourdes en Ukraine
12 septembre 2022L'Ukraine affirme que son armée regagne du terrain sur l'armée russe. Elle aurait repris 500 km² aux Russes dans le sud et réclame à ses alliés des armes supplémentaires pour poursuivre sa contre-offensive. En Allemagne, cette demande relance le débat sur la livraison d'armement à l'Ukraine et la nature du matériel qu'il est légitime – ou non – de fournir aux autorités de Kiev.
Défense antiaérienne
Olaf Scholz (SPD) est favorable à un soutien militaire à l'Ukraine sous la forme de pièces d'artillerie et de défense antiaérienne. Le chancelier allemand rappelle que l'Allemagne a déjà "fourni des armes très efficaces qui font la différence dans la bataille actuelle".
Lors d'une visite à Berlin la semaine dernière, le Premier ministre ukrainien Denys Shmygal a réitéré aux alliés de l'Ukraine, la demande de Kiev en armes lourdes.
Mais sur ce point, Olaf Scholz se montre réservé. Pour le chancelier allemand, il n'est pas question de faire "cavalier seul".
L'Allemagne liée à ses partenaires
Comme l'a précisé la ministre de la Défense, Christine Lambrecht (SPD), cet après-midi [12.09.22] "aucun pays n'a encore livré de chars de combat ou de chars d'assaut de conception occidentale" à l'Ukraine. L'Allemagne a convenu avec ses partenaires [américains] de ne pas faire exception.
Depuis six mois, le matériel militaire envoyé à l'Ukraine provient en effet des arsenaux occidentaux déjà existants.
Christine Lambrecht réclame toutefois d'assouplir les règles qui régissent les exportations d'armements élaborés en Europe. Elle argumente ainsi :
"La guerre en Ukraine nous a montré, à nous aussi, peuple allemand habitué à la paix, que les Etats ont besoin de recourir à leur armée quand un ennemi est décidé à user de l'invasion, de l'extermination, du meurtre et de l'expulsion. Cela est en train de se passer en ce moment, non loin de nous. Aujourd'hui, l'Ukraine ne continue d'exister que parce qu'elle peut se défendre sur le plan militaire. Nous devons en tirer une leçon : nous avons nous-mêmes besoin de forces de défense fortes, prêtes au combat, pour que nous puissions en cas de besoin défendre notre alliance."
Ces déclarations ont provoqué une réaction du chef de file des écologistes, également membres de la coalition gouvernementale.
Réaction des Verts et du FDP
Le ministre de l'Economie, Robert Habeck, rappelle que c'est son ministère qui décide d'autoriser ou non les exportations d'armes allemandes… et il est opposé à un assouplissement des règles.
Au contraire, dans une interview à paraître demain [13.09.22] dans la Süddeutsche Zeitung, le ministre réclame aux Allemands de se montrer "plus stricts tout en renforçant l'interaction avec les partenaires de valeurs et d'alliances", afin de s'assurer que les armes ne tombent pas entre les mains de "violateurs de droits humains".
Ricarda Lang, l'autre cheffe de fil du parti écologiste, préconise, elle, aux alliés de l'Ukraine de voir "où ils peuvent livrer davantage" d'armement pour répondre aux besoins des Ukrainiens. Selon elle, " le temps des hésitations est révolu". Samedi dernier, la ministre allemande des Affaires étrangères, l'écologiste Annalena Baerbock, était à Kiev. Elle a promis aux Ukrainiens de poursuivre "les livraisons d'armes, ainsi que le soutien humanitaire et financier".
Conformément à ce que réclament certains responsables écologistes, le troisième parti de la coalition gouvernementale, le FDP, demande la livraison immédiate de chars de combat allemands, les Leopard, pour permettre à l'Ukraine de reconquérir rapidement les territoires tombés aux mains russes.
L'opposition divisée aussi
Dans l'opposition, les conservateurs sont également favorables à davantage de soutien militaire à l'Ukraine au vu de la situation actuelle. Pour la CSU, plus Vladimir Poutine se rendra compte tôt qu'il n'a pas le dessus sur le terrain militaire, plus tôt il acceptera de négocier.
A gauche, die Linke estime que la livraison d'armement supplémentaire ne peut pas faire revenir la paix. Quant à l'aile gauche du SPD, elle redoute que l'Allemagne devienne partie prenante active du conflit.
Une nouvelle loi est en préparation pour redéfinir les modalités de contrôle des exportations d'armes. Présenté dans quelques semaines, le texte promet de faire l'objet d'un débat houleux.