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Scholz toujours opposé à une livraison des Taurus à Kiev

4 mars 2024

Le chancelier allemand a dit de nouveau "non" lundi à une livraison des missiles Taurus à l’Ukraine en plein scandale d’espionnage de l’armée allemande par la Russie.

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Le chancelier allemand Olaf Scholz, les yeux et les mains fermés devant son visage, avant la réunion du groupe parlementaire du SPD au parlement allemand (16.01.2024)
Le chancelier allemand Olaf Scholz est au centre des critiques depuis qu’il refuse de livrer les missiles TaurusImage : picture alliance/Flashpic

"C’est non et c’est ainsi". C’est de nouveau la réponse donnée lundi (04.03.2024) par le chancelier allemand au sujet d’une éventuelle livraison à l’Ukraine des missiles de longue portée Taurus. Olaf Scholz a rappelé aujourd’hui que c’est lui le chancelier et décide. La sortie du dirigeant allemand survient quelques jours après la publication par des médias russes d’un échange au sujet d’une livraison des missiles Taurus à l’Ukraine.

C’est un enregistrement audio d’une visioconférence de 38 minutes qui a été diffusé vendredi par la rédactrice en chef de la chaîne russe RT. Des échanges entre des officiers de haut rang de l’armée de l’air allemande qui ont eu lieu le 19 février. Ils évoquaient notamment les conditions techniques de la possible livraison des missiles de longue portée Taurus à l’Ukraine. Les militaires évoquent aussi l'hypothèse de frappes contre le pont de Crimée reliant la péninsule annexée par Moscou en 2014 et le territoire russe, l'un d'eux soulignant qu'il faudrait entre 10 et 20 missiles pour en venir à bout.

Des enregistrements authentiques, Berlin l'a confirmé, mais volés donc. La conversation aurait dû rester confidentielle évidemment. Il s'agissait d'une réunion avant un briefing avec le ministre de la Défense.

Conversations gênantes

Que cette conversation sorte publiquement a provoqué une onde choc. Pour deux raisons : la Russie a été capable d'espionner l'armée allemande. Et les conversations des officiers allemands évoquant d'éventuelles livraisons de missiles alors que le chancelier dit refuser de le faire sont pour le moins gênantes.

Selon le chancelier allemand, en livrant les Taurus, Berlin deviendrait partie au conflit et serait impliquée ainsi dans la guerre que mène la Russie à l’Ukraine.  Pour Olaf Scholz, la livraison des missiles à l’Ukraine impliquerait une présence au sol des soldats allemands. Ce que démentent plusieurs experts et ce que semblaient aussi dire les officiers de l'armée allemande dans leur conversation.

Londres et Paris essaieraient d’éviter cet envoi d’hommes en programmant eux-mêmes leurs missiles à longue portée qu'ils fournissent déjà.

Il n'empêche : selon certaines informations, des soldats britanniques seraient en Ukraine. Londres n’a pas officiellement confirmé. Parlant simplement d'un "petit nombre de personnels" sur place, sans donner trop de détails.

Quoi qu'il en soit, James Gallen, expert en sécurité à l’université Saint Gall en Suisse dénonce une naïveté allemande. "Je doute que beaucoup d'alliés soient surpris que la Russie espionne les conversations des militaires allemands", explique-t-il. "Plus encore, ils ne sont peut-être pas non plus surpris que les Allemands soient surpris ; ce qui révèle tout sur la position de l'Allemagne au sein de l'alliance. Berlin a négligé les capacités militaires allemandes et est désespérément naïf lorsqu'il s'agit des capacités et des intentions de Moscou", critique encore cet expert joint pour préparer ce sujet.

La co-présidente Ricarda Lang du parti écologiste lors d'un congrès des Verts à Bonn (14.10.2022)
Ricarda Lang (en image), co-présidente du parti écologiste allemand demande une enquête approfondie après cette affaire d’espionnage Image : Ina Fassbender/AFP

Déstabiliser l’Allemagne

Pour le monsieur politique étrangère du parti social-démocrate allemand, le SPD, le parti d’Olaf Scholz, la diffusion de l’enregistrement audio aurait pour but de semer la discorde en Europe, notamment entre l’Allemagne et la France, mais aussi d’influencer l’opinion publique allemande.

Frank Schwabe explique ainsi sur la radio allemande Deutschlandfunk que "c’est très clair que la Russie dispose encore de ce type d’enregistrements. J’en suis très sûr. Elle les publie à des moments donnés pour semer le trouble en Allemagne et en tirer un gain politique."

L’élection présidentielle en Russie a lieu dans une dizaine de jours.

Après cette diffusion de l’enregistrement, Moscou a dénoncé lundi (04.03.2024) une "implication directe" de l’Occident dans la guerre en Ukraine. Elle a convoqué l’ambassadeur allemand. Berlin parle d’une rencontre prévue de longue date.

Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a appelé dimanche (03.03.2024) à la prudence et dénoncé une attaque hybride avec pour objectif de désinformer.

Le parti d’opposition Die Linke appelle à investir dans la sécurité informatique alors que la visioconférence des officiers allemands n’était pas cryptée.

En attendant, et malgré le non du chancelier, le débat autour d'éventuelles livraisons de missiles Taurus continuent en Allemagne. Le "non" du chancelier à leur livraison a été critiqué au sein de sa propre coalition. Le FDP, les Verts et l’opposition conservatrice y sont favorables, ou demandent à y réfléchir en tous cas.