Bénin et Niger soufflent le chaud et le froid sur le pétrole
7 juin 2024Partie de la fermeture de la frontière entre les deux pays depuis le coup d'État du 26 juillet 2023 au Niger, la crise entre le Bénin et le Niger franchit une nouvelle étape.
Face au refus du Niger de rouvrir sa frontière, malgré la levée des sanctions de la Cédéao et alors que le Bénin l'a fait, les autorités béninoises avaient décidé, dans un premier temps, de bloquer l'embarquement du brut nigérien avant de l'autoriser de nouveau, après des négociations avec le partenaire chinois.
La Chine mise en cause
Mais depuis jeudi (06.06.2024) la deuxième opérationest bloquée avec l'arrestation de cinq techniciens nigériens partis au Bénin pour contrôler l'embarquement. Ceci avec la complicité des partenaires chinois, semble dire Alio Daouda, ministre nigérien de la justice et garde des sceaux :
"En excluant la partie nigérienne, le Bénin, non seulement viole les dispositions du contrat, mais permet aussi à la société, aux Chinois, à l'autre partenaire d'agir seul sans aucune contrepartie en matière de contrôle. Donc nous, c'est en cela que nous avons estimé qu'au-delà du Bénin, même notre partenaire ne joue pas franc jeu."
Le Niger menace de fermer le robinet
Face à cette situation et si le Bénin ne libère pas les experts nigériens ni ne respecte les accords qui lient les trois partenaires, la vanne de la station de Koulélé sera fermée et le brut ne coulera plus en direction du Bénin, a indiqué le ministre nigérien du pétrole, Moustapha Maman Barké, sur instruction du chef de l'état nigérien, le général Abdourahamane Tiani :
"Nous allons arrêter la station initiale de Koulélé. J'ai donc répercuté ses instructions au directeur général des hydrocarbures, qui a pris toutes les dispositions pour que cela soit effectif. Donc non seulement, le bateau ne pourra plus charger, mais nous n'allons plus envoyer notre pétrole dans le pipeline, Jusqu'à ce que les Béninois décident de respecter leurs engagements et jusqu'à ce que le partenaire chinois les emmène à respecter leurs engagements parce que apparemment, c'est la seule partie qu'ils écoutent."
Par ailleurs, les autorités nigériennes ont décidé de saisir les juridictions compétentes en la matière.
La version béninoise
Côté béninois la situation prise très au sérieux, n'est pas considérée de la même manière. À la faveur d'un point de presse, le Procureur spécial a expliqué que les personnes incriminées se seraient frauduleusement introduites sur le site de la station terminale de Wapco Bénin à Sèmè-Kpodji. Mario Mètonou précise, sur la base des investigations menées sur place, que les cinq ressortissants nigériens se sont introduits sur le site sans décliner leur identité :
"Au lieu d'emprunter l'entrée principale et de s'enregistrer à la guérite, ces personnes ont préféré utiliser une entrée dérobée située à l'arrière du site. Dans cette manœuvre, elles ont bénéficié de la complicité de l'administrateur général de Wapco Bénin qui a pourtant reçu, deux jours plus tôt, la lettre du Ministre de l'Énergie, de l'Eau et des Mines à travers laquelle l'État béninois a exprimé de vives préoccupations sécuritaires."
De faux experts ?
Au regard des préoccupations sécuritaires les autorités béninoises ont dû aller plus loin dans l'enquête sur l'identité des intéressés. Et le procureur spécial Marius Mètonnou conclut : "À l'étape actuelle, l'enquête a formellement établi qu'au moins deux parmi ces personnes sont des agents nigériens au service du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Il se sont fait confectionner pour la circonstance de faux badges d'employés de Wapco Niger. Les investigations se poursuivent pour déterminer les motivations réelles des mis en cause dans un contexte où des informations récurrentes font état de la planification d'actes d'atteinte à la sûreté de l'État du Bénin."
Quelle sera la suite de cette situation ? Les autorités judiciaires béninoises promettent d'amples informations sur l'évolution de cette enquête.