Un an après la mort de Martinez Zogo, son épouse se confie
22 janvier 2024Retrouvez en suivant ce lien également le podcast de la DW sur l'affaire Martinez Zogo.
DW : Diane Zogo, pouvez-vous nous raconter dans quelles circonstances vous avez appris l'enlèvement, il y a un an, de votre mari ?
Diane Zogo : J'ai appris la nouvelle et depuis je gère très mal la disparition de mon mari. Depuis le 17 janvier, il y a un gros fossé. Pour nous, c'est un grand manque à gagner. C'est une grande perte pour la grande famille. Ce 17 janvier il n'est pas rentré. Habituellement, il rentrait vers 20h00. Mais ce jour-là, il n'est pas rentré à son domicile. J'étais très inquiète, je lui ai passé un coup de fil qui n'est pas passé. Son téléphone a sonné une fois puis s’est éteint. Après, il sonnait dans le vide. J'ai passé une nuit blanche ce jour-là jusqu'à ce que je me rende à son lieu de service le lendemain matin. Je suis arrivée à son lieu de service, il était environ 8h30, et j’ai constaté qu'il n'était pas non plus à la radio. J'ai commencé à m'inquiéter pour expliquer à ses collègues qu'il n'était pas rentré à la maison, et ils m'ont dit qu'ils allaient lancer l'alerte pour un avis de recherche.
DW : Les téléphones de Martinez Zogo étaient effectivement restés dans son véhicule, saisis par le commandant de la brigade Nkol-Nkondi, où il a été interpellé. Quand vous tentiez de l’appeler dans la nuit, personne n'a décoché, personne ne vous a rappelée ?
Diane Zogo : Personne n'a décroché, personne ne m'a rappelée. Quand je suis arrivée à la radio, un de ses collègues a dit qu'ils avaient également essayé de l’appeler, en vain, le téléphone sonnait, puis ne sonnant plus, puis sonnant dans le vide. Je sais une chose : quand monsieur Zogo a été enlevé au niveau de la brigade Nkol-Nkondi, le commandant et ses éléments ont fait entrer son véhicule à l'intérieur où ils ont constaté qu'il y avait des documents et ses téléphones qui étaient restés à l'intérieur, et qu'ils ont soigneusement gardés au poste de police.
DW : Cinq jours après, le 22 janvier, on apprend que très tôt le matin le corps a été découvert au niveau d'Ebogo 3, non loin de Soa, en banlieue de Yaoundé. Comment avez-vous appris le décès de Martinez ? Quand vous avez vu son corps qu’avez-vous ressenti ?
Diane Zogo : C'est une question assez difficile, mais je crois que vous avez déjà la réponse, parce que le commandant de Nkol-Nkondi est passé chez moi, il était 6h00. Il est passé pour me dire qu'on avait vu un corps à Soa et il fallait que j'aille l’identifier. Ils m'ont amenée à la brigade et nous sommes partis pour Ebogo. Il y avait une forte odeur. On m'a prévenu que les images étaient horribles. Je me suis approché, l'odeur devenait de plus en plus forte. Je n'ai pas pu aller l’identifier. Je me suis en revanche rendue à l’hopital central par la suite.
DW : Comment parvenez-vous à supporter son absence un an après ?
Diane Zogo : C'est très difficile, un gros fossé s’est crée.Il était toujours à la maison vers 20h00 à attendre que son épouse rentre du travail, se rassurer que ses enfants sont là, à demander qu'on lui prépare son petit déjeuner. Il mettait un film tous les soirs, prenait un petit verre et passait du temps sur son téléphone. C'est très difficile parce que tout cela me manque. Tout cela a disparu. Il n’y a plus personne pour vous demander dans combien de temps vous rentrez.
DW : Comment avez-vous expliqué cette disparition à vos enfants ?
Diane Zogo : Je n'ai pas eu besoin de leur faire comprendre. C’était un père responsable qui rentrait tous les soirs, et le voilà qu’il ne rentre plus. Et puis, les réseaux sociaux donnent des informations dans tous les sens. Aujourdhui, tout le monde a accès aux réseaux sociaux, même nos enfants. Je n'ai pas eu besoin de leur raconter un film ou de leur faire un dessin, ils peuvent tout lire sur les réseaux sociaux. Je joue le rôle de la mère et du père. Ce n’est pas évident pour nous, mais Dieu fait grâce parce que moi je fais confiance à la justice divine et je suis croyante.
DW : Le corps de Martinez se trouve toujours à la morgue. Un an jour pour jour, la justice n'a toujours pas tranché. Quel est votre mot de fin ?
Diane Zogo : Nous savons qu’une enquête a été instruite. Elle suit son cours. Nos avocats font le nécessaire pour se rapprocher des autorités compétentes du tribunal militaire pour en savoir plus. Jusqu'à présent, on n'a pas les coupables. Des personnes ont été mises en garde à vue, et cela nous désole un peu parce que nous ne savonbs pas où en est l'enquête. La famille n'est pas prête pour les obsèques parce que nous avons demandé la requalification que nous attendons toujours au niveau du tribunal militaire. Et nous espérons que nous obtiendrons cette requalification.