Un podcast DW sur l'affaire Martinez Zogo
18 janvier 2024Il y a un an, le 17 janvier 2023, le journaliste camerounais Martinez Zogo a été enlevé devant un poste de gendarmerie à Yaoundé.
Cinq jours plus tard, le 22 janvier, le corps supplicié et mutilé du journaliste est retrouvé sur un chantier.
Une instruction judiciaire est toujours en cours pour comprendre ce qui s'est exactement passé entre ces deux dates et qui sont les auteurs et les commanditaires de cette opération. Plusieurs hauts personnages de l'Etat et un homme d'affaires influent ont été placés en détention provisoire.
DW Afrique vous propose, avec le concours du journaliste camerounais Paul Chouta, un podcast de la série QuiQuoiComment en trois épisodes sur cette affaire qui présente les caractéristiques d'un crime d'Etat.
Un journaliste qui ne mâchait pas ses mots
Martinez Zogo n'avait pas la langue dans sa poche. En témoigne le ton qu'il employait à l'antenne, dans son émission "Embouteillages", diffusée sur la radio Amplitude FM, basée à Yaoundé.
Un exemple avec cet extrait tiré de la toute dernière émission présentée par Martinez Zogo, le jour de son enlèvement, le 17 janvier 2023. Le journaliste prétendait avoir réuni des preuves sur un gigantesque dossier de corruption impliquant des personnes haut placées et interpelait ses concitoyens en ces termes :
"Allez-vous laisser les caisses de l'Etat braquées par des gens, par des bandits ? Non, mes frères, réveillez-vous, l'heure est grave!"
De hauts responsables mis en cause
Martinez Zogo a donc été enlevé le soir-même par des inconnus, qui l'ont torturé. Le rapport d'autopsie établit que le journaliste est mort du fait de ces sévices.
Un membre des services de renseignement, le lieutenant-colonel Danwe, a rapidement été interpellé. Il a reconnu avoir coordonné le commando de tortionnaires. Et il a mis en cause son supérieur hiérarchique, l'ancien patron des renseignements (DGRE), Léopold Maxime Eko Eko.
Ce proche du président Paul Biya a été démis de ses fonctions et placé en détention préventive dans le cadre de l'enquête. Il dément toute implication par la voix de son conseil, Serie Simplice Zokou : "C'est avec un grand étonnement qu'il a été mis en cause car à aucun moment il n'a été impliqué ni de près ni de loin dans cette affaire."
Parmi les autres personnes mises en cause : l'homme d'affaires Jean-Pierre Amougou Belinga, ainsi qu'un certain Stéphane Martin Savom, le maire d'une commune de la région du Centre.
Depuis le début de l'enquête, confiée au tribunal militaire de Yaoundé, deux juges d'instruction ont été dessaisis du dossier. Les pressions politiques sont importantes sur les magistrats.
Les attentes de la famille
La famille de Martinez Zogo attend toujours des avancées pour pouvoir procéder à son inhumation, comme nous l'a confié sa veuve, Diane Zogo : "En tant qu'épouse, je l'ai interpellé en lui demandant de faire attention (…) Parce que ça pouvait créer des problèmes dans notre vie."
Le podcast QuiQuoiComment sur l'affaire Zogo
En trois épisodes, notre nouveau podcast QuiQuoiComment revient sur cette affaire. Vous le trouverez sur notre site internet dw.com/francais.
Vous y entendrez des proches de Martinez Zogo, l'avocat de la famille, les avocats de deux des personnes mises en cause, Reporters sans frontières. Nous avons tenté de reconstituer les faits, de faire le point sur la procédure et ses rebondissements. Et de réfléchir à la lutte contre l'impunité au Cameroun, à la lumière de cette affaire emblématique.
Un dossier qui nous emmène au cœur des luttes de pouvoir qui ont lieu dans le pays, dans la perspective de la succession du président Paul Biya, désormais nonagénaire.