Critiques à la facilitation de Félix Tshisekedi au Tchad
19 octobre 2023La présidence de la République démocratique du Congo affirme que le président Félix Tshisekedi, facilitateur de la Communauté des Etats de l'Afrique centrale pour le Tchad, continue de bénéficier de la confiance de toutes les parties prenantes. Pourtant, les opposants regroupés au sein de la Fédération des opposants crédibles (FOC), au Tchad, estiment par exemple que la facilitation du chef d'Etat congolais est un "échec".
La répression du 20 octobre 2022 comme point de départ
Il y a presque un an, le 20 octobre 2022, des manifestations sont organisées au Tchad à l'appel de l'opposition pour contester le maintien au pouvoir pour deux années supplémentaires du général Mahamat Déby et donc des autorités de transition.
Ces manifestations sont réprimées dans le sang. Le bilan officiel des victimes fait état de 73 morts mais les défenseurs des droits humains avancent celui de 300.
Quelques jours plus tard, le président congolais est désigné par la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale pour remettre la transition tchadienne "sur les rails" des valeurs de l'Union africaine et de la CEEAC, comme il le déclare alors lui-même.
Un an après ...
Le chef d'Etat congolais a séjourné au Tchad pendant 48 heures, au mois de juillet, pour s'entretenir avec les différents acteurs politiques et de la société civile engagés dans le dialogue national.
La liste des griefs de Yaya Dillo Djerou, président du Parti socialiste sans frontières et coordinateur de la Fédération de l'opposition crédible, au Tchad, est longue, à l'encontre de Félix Tshisekedi.
Il lui reproche de ne s'être pas entretenu équitablement avec toutes les parties tchadiennes, de ne pas avoir dénoncé le manque de représentativité de la Commission nationale chargée de l'organisation du référendum constitutionnel (Conarec) du 17 décembre prochain , de ne pas avoir remis sur la table l'éligibilité des autorités de transition, de ne pas non plus avoir rendu publiques les enquêtes sur la répression du 20 octobre 2022, ni sa feuille de route.
"Sur toutes ces questions, Tshisekedi n'est pas un facilitateur, c'est un accompagnateur de la junte [tchadienne].Il appartient à la CEEAC de trouver un bon facilitateur qui fera consensus et qui sera un autre que Tshisekedi qui est une personnalité qui joue un rôle qui n'est pas neutre, qui n'est pas impartial", dénonce-t-il . (Ecoutez-le ci-dessus)
La porte-parole du président Tshisekedi, Tina Salama, s'inscrit en faux. D'ailleurs, selon elle, Yaya Dillo est "un cas isolé". Elle déclare au micro du correspondant de la DW à Kinshasa: "Aucun pays au monde ne pourra rassembler les avis de tous les opposants. Mais l'essentiel est que le facilitateur continue de bénéficier de la confiance de toutes les parties impliquées au processus de transition au Tchad." (Ecoutez ci-dessous sa déclaration, recueillie par Jean-Noël Ba-Mweze)
Nasra Djimasngar, le coordinateur du Cadre national des partis politiques (CNCP), note quant à lui que le prolongement de la transition résulte du dialogue national, qu'une partie de l'opposition avait décidé de boycotter. Selon lui, il ne faut pas trop attendre du facilitateur.
"Je ne suis pas en train d'exclure la facilitation, précise-t-il. Mais le facilitateur doit rester dans son rôle de facilitateur. Ceux qui doivent s'entendre pour avancer, ce sont les Tchadiens. Nous, Tchadiens, nous-mêmes".
Pour le retour des opposants en exil, tels que Succès Masra, sur la question de l'éligibilité ou non des dirigeants de la transition, le CNCP entend miser sur la discussion, seul moyen pacifique, selon lui, d'assurer la bonne tenue du référendum de décembre, des élections de l'année prochaine, bref de trouver une sortie à la crise. (Ecoutez Nasra Djimasngar ci-dessus)
Les droits humains en reste
Autre point de vue : celui de l'avocate tchadienne Delphine Kemneloum Djiraïbe. Ecoutez-la ci-contre, elle indique ne pas comprendre le recours à une facilitation extérieure alors, dit-elle, que "la junte militaire a tous les moyens de prendre des résolutions qui seraient porteuses de paix et ne le fait pas". La militante des droits humains réclame notamment, en cette veille du 20 octobre, la publication des conclusions de l'enquête de la Communauté des Etats de l'Afrique centrale sur la répression de l'année dernière. Et rappelle que les survivants et les proches des victimes continuent d'attendre que justice soit faite.