Il est le représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu et le chef hef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS).
Mahamat Saleh Annadif répond aux questions d’Eric Topona,sur la condamnation unanime de la résurgence des coups d'État par les dirigeants africains réunis en sommet, le week-end dernier, à Addis-Abeba.
Le diplomate onusien se prononce aussi sur la transition au Burkina, au Mali, l’avenir des forces internationales déployées au Sahel et la présidence tournante de l’Union africaine assurée par le président sénégalais Macky Sall.
DW : Mahamat Saleh Annadif, bonjour! Au cours de leur 35ème sommet qui s'est déroulé à Addis Abeba le week-end dernier, les dirigeants de l'Union africaine ont unanimement condamné la résurgence ces derniers temps des coups d'Etat militaires sur le continent. Avant l'UA, la Cédéao a fait de même. Enfin, l'Afrique parle à l'unisson ?
Je crois que c'est le contraire qui aurait été surprenant. Vous savez que le principe de subsidiarité délègue le suivi de ec genres de ce genre de problèmes aux communautés économiques régionales et je suis plutôt content que l'organisation mère donne un signal fort pour essayer d'appuyer des communautés économiques régionales.
DW : Le 9 janvier dernier, il y a tout juste un mois, le Mali a été sanctionné par la Cédéao et l'UEMOA. Des sanctions qui ne semblent pas émouvoir la junte militaire au pouvoir à Bamako, puisqu'elle a initié un projet de loi visant à renforcer les pouvoirs du colonel Goita. Au final, est-ce que ces sanctions servent à quelque chose?
Les sanctions, vous savez, pour moi, c'est plutôt ce qu'elles font subir au peuple malien qui est vraiment important. Et d'après les contacts que j'ai, les populationscommencent à en souffrir.
Il est temps que les autorités maliennes présentent quelque chose avec la Cédéao pour qu'on puisse progressivement mettre fin à ces sanctions. Quelles que soient les conditions, elles sont négatives.
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DW : Oui, vous espérez que les autorités de transition au Mali reviennent à de meilleurs sentiments, mais elles ont expulsé la semaine dernière l'ambassadeur de France à Bamako, Joël Meyer. Elles continuent plutôt de se radicaliser, non ?
Le Mali, je l'ai quitté. J'ai mon collègue qui représente les Nations Unies. Je préfère me concentrer sur le reste de l'Afrique de l'Ouest, en laissant le soin à mon collègue là bas de gérer cela. Nous sommes en contact permanent. Il faut aller au plus tôt vers une solution.
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DW : Vous avez séjourné la semaine dernière à Ouagadougou en compagnie d'une délégation de haut niveau de la Cédéao et vous semblez rassuré par les premiers pas des autorités de la transition au Burkina Faso ?
Nous avons trouvé des gens très à l'écoute, très attentifs. Je leur ai dit, aux autres membres de la délégation : au Burkina, rien ne peut se faire sans les populations burkinabè. Et j'ai la nette impression que les autorités actuelles qui ont fait le coup d'Etat sont très attentives à cela. C'est encourageant.
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Je les encourage à continuer et surtout très rapidement à renouer le dialogue avec la Cédéao pour permettre une sortie de crise le plus rapidement possible. Parce que l'histoire a prouvé que les transitions les plus courtes sont les transitions les plus réussies.
DW : A vous entendre, les putschistes burkinabè vous ont donné des gages, ils sont sur le bon chemin? Ils ont promis de libérer le président Roch Marc Christian Kaboré, qui est toujours en résidence surveillée à Ouagadougou...
C'est ce qu'on espère, ils ont assuré qu'ils verront comment assurer sa sécurité, voir quelles sont les conditions les meilleures pour le libérer. D'autant que le président Kaboré lui même a reconnu qu'il a démissionné.
DW : Mahamat Saleh Annadif, vous êtes donc le patron du bureau de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel. Est-ce qu'un éventuel départ des forces armées internationales, notamment celles françaises, de l'opération Barkhane dans cette zone de l'Afrique, ne vous inquiète pas ?
Qu'il y ait des réaménagement, je suis d'accord. Pour le moment, c'est vrai qu'on traverse certaines difficultés, qu'il y a parfois un dialogue de sourds. Mais la lutte contre le terrorisme n'est pas seulement spécifique aux responsables du Sahel.
La lutte contre le terrorisme est un combat global qui concerne tout le monde, parce que ce qui se passe au Sahel, c'est déjà au bord de la Méditerranée. Donc, les Occidentaux ne peuvent pas dire que c'est quelque chose à part. Nous sommes ensemble dans cette lutte.
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DW : Mais pourtant, la France et l'Allemagne, notamment, réfléchissent désormais ouvertement à leur retrait du Mali...
J'ai écouté des informations comme quoi il aura des réajustements de Takuba et Barkhane. C'est un processus qui a commencé. J'ose croire que la substance de l'engagement va demeurer.
DW : Macky Sall, le président sénégalais et désormais le président en exercice de l'Union africaine pendant un an, aura-t-il les coudées franches?
D'abord, il ne faut pas surestimer la présidence de l'Union africaine, qui n'a pas beaucoup de pouvoir. Mais le Sénégal jouit d'une certaine image positive, tant au niveau africain qu'au niveau international. Il est un pays caractérisé comme un havre de paix, où les alternances démocratiques, les élections libres et transparentes se déroulent bien. C'est un atout.
DW : Mahamat Saleh Annadif, merci.
C'est à moi de vous remercier.