L'avortement, un sujet délicat aussi en Afrique
4 juillet 2022Un "recul", c’est ainsi que l'Organisation mondiale de la santé a qualifié cette ce mercredi 29 juin la décision de la Cour suprême américaine de laisser le choix aux Etats de décider du droit à l'avortement.
L’OMS a prévenu que cette décision risque d'avoir des effets préjudiciables bien au-delà des Etats-Unis.
Sur le continent africain, le débat est suivi de près. Considéré comme un sujet sensible, l'accès à l'avortement demeure très restrictif voire illégal sur le continent. Le sujet suscite très souvent une levée de bouclier.
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Des lois restrictives
Dans certains pays comme la Mauritanie, l’Egypte ou encore Madagascar, l’avortement est même totalement interdit.
À Madagascar par exemple, les membres du personnel médical qui réalisent en cachette une interruption de grossesse, risquent jusqu'à 10 ans de prison.
En République du Congo, à Djibouti, au Sénégal, en Guinée-Bissau, et en République démocratique du Congo, l’avortement reste aussi illégal.
Ainsi, sur le terrain, certaines organisations n'hésitent pas à pratiquer des interruptions de grossesse en dépit des lois du pays.. C'est le cas de Médecins sans frontières.
"Notre choix est basé sur les cas de complications que nous avons vues", explique le docteur Jean Kalibushi Bizimana, conseiller en gynécologie obstétrique chez MSF dans une interview à la DW. Basé à Berlin, il pointe du doigt les dangers que représentent les avortements non médicalisés. "Dans les pays où l’avortement n’est pas légalisé, nous essayons de sauver la vie de femmes. MSF prend toutes les dispositions pour que la confidentialité et la sécurité soient assurées", affirme Jean Kalibushi Bizimana.
Anny Modi est la directrice exécutive et cofondatrice de l’association " Afia Mama " en RDC. Elle milite contre les violences sexuelles et n’hésite pas à s’exprimer au sujet de la perception de l’avortement et la loi en vigueur dans son pays.
"Notre code pénal réprimande encore les avortements. En RDC, l’IVG n’est pas légale, par contre y a des exceptions sous lesquelles on peut interrompre une grossesse. Ce sont les exceptions du protocole de Maputo (…) même si le cadre légal a évolué par la présence maintenant du protocole de Maputo, son application reste difficile", explique Anny Modi.
Le Protocole de Maputo adopté en 2003, constitue l'un des premiers cadres juridiques pour la protection des droits et des libertés des femmes et des jeunes filles en Afrique.
Le texte reconnaît l'accès à un avortement médicalisé dans certaines conditions, en cas de viol, d'inceste ou quand la vie de la mère est en danger, tel un droit humain dont les femmes doivent jouir sans restriction.
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Plus de sensibilisation
Dans la pratique toutefois, peu de pays mettent en œuvre cette convention d’autant que l’interruption de grossesse n’est pas très bien perçue dans la plupart des Etats sur le continent comme en Guinée.
"En Guinée l’avortement n’est pas du tout toléré. Il y a toujours ce regard stigmatisant qu’on jette sur la fille sans pour autant voir les circonstances dans lesquelles, c’est survenu, sans mettre en avant la santé et le bien-être de la fille. Il n’y a pas suffisamment de sensibilisation sur l’avortement sécurisé et on ne parle pas non plus de l’avortement clandestin", déplore Kadiatou Konaté, activiste et co-fondatrice du Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée.
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Les pratiques clandestines courantes sur le continent mettent en danger la santé des femmes. L’avortement non sécurisé reste la norme et constitue l’une des principales causes de décès maternels.
Pour mettre un terme à cette pratique, le Bénin est l’un des derniers pays d'Afrique à avoir rendu l'avortement légale. La loi a été modifiée fin 2021. Le Bénin a rejoint ainsi la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cap-Vert et le Mozambique.