La Libye encore loin des élections générales
12 novembre 2020Des élections en Libye pour pacifier le pays après près de dix ans de conflit. Elles ont été annoncées ce mercredi (12.11.2020) par l'ONU. Une annonce alors que des discussions politique se tiennent en Tunisie toute la semaine.
Les deux camps principaux qui s'affrontent sur le terrain, le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Tripoli et le camp du général Khalifa Haftar dans l'Est, sont réunis à la même table.
Ces élections doivent se tenir dans les dix-huit mois. Elles sont annoncées comme "crédibles, justes, inclusives et libres", par l'émissaire par intérim de l'ONU en Libye. Stephanie Williams se veut très optimiste. "C'est la meilleure occasion pour mettre fin aux divisions", estime-t-elle.
Une annonce pas nouvelle
"L'annonce d'élections est importante parce que les Libyens veulent choisir leurs représentants", confirme aussi Roumiana Ougartchinska, journaliste spécialiste de la Libye et auteure du livre "Pour la peau de Kadhafi" en 2013.
"Ils ne souhaitent plus que les dirigeants soient choisis par des puissances étrangères, ou dans les couloirs ou les salles de réception d'hôtel luxueux, que ce soit à Tunis, au Maroc ou à Genève", explique–t-elle.
Mais Roumiana Ougartchinska le rappelle : des telles annonces ont eu lieu déjà par le passé. En 2018 ou même 2019… Sans action véritable par la suite.
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Le format proposé aujourd'hui, des élections générales, avec des législatives et une présidentielle, laisse aussi certains sceptiques.
"Par exemple, le poste de président n'existe pas dans les documents constitutionnels du moment. On veut donc créer un exécutif fort, alors que c'est un pays qui est très fragile, très polarisé", explique Jalel Harchaoui, chercheur à l'Institut néerlandais des relations internationales, spécialiste de la Libye. "Si les Etats-Unis n'arrivent pas à bien vivre l'élection présidentielle, je ne vois pas pourquoi la Libye le vivrait bien", poursuit-il.
Le chercheur se veut très prudent quant aux annonces de l'ONU. "Dix-huit mois c'est juste un ordre de grandeur. C'est davantage qu'une seule année, ce qui serait trop court, moins que deux ans, ce qui serait trop loin… Donc on dit dix-huit mois, ça fait sérieux", estime-t-il avant d'ajouter : "Peut-être que ça aura lieu, mais simplement l'entendre aujourd'hui ne peut rassurer".
Les forces étrangères toujours présentes
Sur le terrain, le blocus pétrolier a été levé fin septembre. Un cessez-le-feu a été aussi signé fin octobre, en même temps que d'autres mesures. "C'est un début, obligatoire pour organiser des élections", commente Roumiana Ougartchinska. Mais, reprenant les mots récents du ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Mass, Jalel Harchaoui parle "d'un calme trompeur".
Il cite le retrait des combattants des lignes de front, la démilitarisation de Syrte, le départ des mercenaires étrangers. "Tout cela ça n'a pas été fait", insiste-t-il. "Peut-être que demain cela sera fait, c'est possible que cela marche, mais rien ne garantit aujourd'hui que l'ONU réussisse à avancer, même si elle est optimiste", pense encore Jalel Harchaoui.
Les forces du Gouvernement d'union nationale ont d'ailleurs mis en garde ce jeudi contre les risques de voir rompre l'accord de cessez-le-feu. En attendant, les discussions politiques se poursuivent à Tunis. Des négociations avec des responsables militaires des deux camps rivaux ont lieu en même temps en Libye, à Syrte.
Mais les divisions politiques ou culturelles de la société entre les deux parties du pays, elles, n'ont pas disparu. Les milliers de conseillers et combattants militaires étrangers non plus. Des soutiens russes ou turcs qui semblent inamovibles, maintiennent l'équilibre des forces sur le terrain et ne jouent pas en faveur de l'unité nationale souhaitée par l'ONU.