La Turquie en quête de nouveaux marchés en Afrique
17 décembre 2021En Côte d’Ivoire, l'homme d'affaires Lilli Firmin Tre s'appuie sur la Turquie comme partenaire commercial pour une raison simple.
"J'ai choisi la Turquie en raison de la qualité de ses produits", a déclaré Tre. Il est à la tête de la société immobilière SIG Group en Côte d'Ivoire et entretient depuis longtemps des relations étroites avec le Bosphore.
La qualité européenne mais au prix asiatique
La force de la Turquie réside dans la qualité-prix de ses produits, souligne Tre. "Il y a beaucoup à apprendre dans l'industrie de la construction, les Turcs sont spécialisés et ont des connaissances approfondies dans ce domaine. Ils sont bons dans la fabrication, la décoration d'intérieur, les couleurs sont correctes et ils ont de bons matériaux de construction", reconnaît l'entrepreneur ivoirien.
Surtout, ajoute-t-il, "ils proposent une qualité européenne à des prix asiatiques".
Les partenaires commerciaux turcs, quant à eux, achètent du cacao en Côte d'Ivoire, ainsi que du beurre de karité, des noix de cajou et parfois du bois.
Mais la communication difficile avec les partenaires turcs est l'une des faiblesses de cette relation, estime Tre. Les hommes d’affaires turcs parlent en effet rarement anglais et pas du tout français, et cela ne fonctionnerait pas sans interprète.
Néanmoins, le commerce est florissant dans la région. Au Sénégal voisin, Moussa Mbaye attend ce mois-ci trois à quatre conteneurs de fer de Turquie, soit deux fois plus que les années précédentes.
Le jeune homme de 32 ans coordonne les activités de la société turque ''La Turquoise'', qui propose des services aux entreprises sénégalaises. D’après lui, 90% des relations d'affaires sénégalaises avec les partenaires commerciaux turcs passent par son bureau.
"Nous développons le commerce international, vendons des meubles, du fer et des pièces détachées", a déclaré Mbaye à la DW à Dakar, la capitale du Sénégal. Tous ces produits peuvent être obtenus en Turquie à de bons prix.
Que peut faire Erdogan en Afrique ?
Pour renforcer les relations croissantes de la Turquie avec les pays d'Afrique, le président Recep Tayyip Erdogan a invité des chefs d’Etat du continent à un sommet à Istanbul.
Outre Erdogan et son ministre du Commerce Mehmet Mus, les intervenants sont le président congolais Félix Tshisekedi et le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le volume des échanges entre la Turquie et l'Afrique est immense, déclare l'économiste Güven Sak, de l'Institut turc de politique économique (TEPAV).
"Le total de tous les projets qui ont été réalisés à travers le continent à ce jour, s'élève à 70 milliards de dollars américains." Les exportations turques vers l'Afrique se seraient élevées à 15 milliards de dollars américains en 2020, rapporte Sak.
Et pour lui, "l'Afrique est le continent le plus jeune et qui connaît la croissance la plus rapide au monde." Selon les projections des Nations unies, la population du continent triplera au moins d'ici 2100, pour franchir la barre des quatre milliards.
Pour Sak, le renforcement des relations peut s'expliquer par des opportunités d'investissement dans les domaines d'infrastructures urbaines, de logistique, de l'énergie et de la construction.
"Le fait que l'Afrique soit extrêmement riche en ressources énergétiques traditionnelles et renouvelables offre des opportunités pour un marché en croissance rapide", a-t-il précisé.
Un réseau relationnel grandissant
Depuis qu'Ankara a proclamé "L'année de l'Afrique" en 2005, les relations entre les deux régions se sont considérablement améliorées.
Le gouvernement turc a alors vu des opportunités commerciales lucratives dans l'industrie et la construction. Des entreprises turques et des organisations non gouvernementales, notamment dans le secteur de l'éducation, se sont implantées sur le continent.
L'amélioration des relations économiques s'est accompagnée d'un élargissement des relations diplomatiques. La Turquie est un partenaire stratégique de l'Union africaine depuis 2008, et des rencontres régulières avec les chefs d'Etat et de gouvernement africains sont organisées. En octobre dernier, le président Erdogan s'est rendu en Angola, au Nigeria et au Togo.
Entre-temps, la Turquie s'est également imposée comme un acteur humanitaire : Ankara a envoyé des experts dans une Somalie ravagée par la sécheresse pour construire des routes, des écoles et des hôpitaux. Et en retour, selon les experts, elle a eu à sécuriser l'accès au détroit, une zone stratégique et importante dans le golfe d'Aden dans le but de satisfaire ses propres besoins énergétiques.
Coopération militaire
Depuis l'investiture d'Erdogan en 2014, la Turquie a également gagné en influence sur les questions de sécurité sur le continent.
La Somalie, porte d'entrée de la Turquie vers l'Afrique subsaharienne, abrite également depuis 2017 Turksom, la plus grande base militaire turque à l'étranger.
Selon des sources concordantes, la réunion d'Istanbul portera également sur les exportations d'armes.
Par exemple, les exportations turques d'armes et d'avions vers l'Ethiopie sont passées d'environ 235.000 dollars américains à 94,6 millions de dollars américains entre janvier et novembre, selon l’association des exportateurs turcs.
Les ventes à l'Angola, au Tchad et au Maroc ont également fait des bonds similaires.
Drones : le best-seller turc
Les best-sellers turcs sont les drones de combat et de reconnaissance Bayraktar TB2. Les matériels aériens sans pilote ont été utilisés dans de nombreux conflits et se sont avérés très efficaces.
L'agence de presse Reuters a rapporté que le Maroc et la Tunisie avaient reçu des drones de combat turcs en septembre. De nombreux autres pays africains ont manifesté leur intérêt.
Co-auteurs : Daniel Bellut, Pelin Ünker / Contribution : Robert Adé, Julien Adayé.