Pourquoi certains opposants tchadiens soutiennent la junte ?
2 mai 2022Ils s'appellent Saleh Kebzabo de l'UNDR, Laoukein Kourayo Médard de la CTPD, Félix Nialbé de l'UNDR, Mahamat Alhabo du PLD, Dobian Assingar, le président d'honneur de la LTDH ou encore Mahamat Nour Ahmat Ibedou de la CTDDH. Et ils sont tous des anciens leaders de la société civile et opposants au régime d'Idriss Deby Itno. Pourtant, aujourd'hui, ces leaders soutiennent la transition militaire en cours. Pour eux, c'est un choix stratégique qui consiste à changer le système de l'intérieur.
Mahamat Nour Ahmat Ibedou, qui a été élu à la tête de la Commission nationale des droits de l'homme la semaine dernière grâce à son allégeance à la junte militaire, affirme tout de même qu'il continuera son combat pour le respect des droits de l'homme et de la démocratie dans cette transition.
"La transition est certes boiteuse à nos yeux mais nous avons choisi de l'accompagner parce que nous pensons que sans le respect des droits de l'homme il n'y aura pas une bonne démocratie, sans le respect des droits de l'homme il n'y aura pas de bonne gouvernance."
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Un soutien mais pas un chèque en blanc
Des arguments soutenus par le dernier chef de l'opposition Félix Nialbé, président de l'Union pour le renouveau et la démocratie URD, actuellement membre du Conseil national de transition (CNT), qui constitue le Parlement de transition.
"L'URD n'a jamais accepté la politique de la chaise vide. Qu'on le veuille ou pas, le Conseil militaire de transition est déjà là. Notre participation n'est pas un soutien aveugle. Mais nous soutenons le CMT pour que la transition puisse aller dans le bon sens et dans l'intérêt de tous les Tchadiens. Nous ne regrettons pas notre soutien accordé au CMT."
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Le clan Déby au centre du problème
Mais pour certains Tchadiens, le soutien de ces leaders risque de contribuer à légitimer les velléités de confiscation du pouvoir par le clan Deby. C'est ce que pense Bedoumra Kordjé, ancien Secrétaire général à la Présidence République et porte-parole du groupe de réflexion pour l'appel du 1er juin, créé au lendemain du décès de l'ancien président :
"Ce n'est pas une question de soutenir ou pas le CMT. Beaucoup de prédateurs s'accrochent à ce système qui a mis le pays à genoux afin qu'ils perpétuent leur pillage du pays. Nous appelons à poser les vrais problèmes du Tchad pour trouver une solution. Pas pour se mettre en rang derrière qui que ce soit. Nous espérons que cet appel sera entendu pour que nous allions dans la bonne direction. Car la succession dynastique ne passera pas face à la détermination du peuple tchadien. Le refus de modifier la charte de la transition pour inclure l'inéligibilité des dirigeants de la transition laisse croire qu'un tel projet peut exister. Ce serait une erreur très grave."
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