Paul Biya peaufine son image à l’étranger
5 novembre 2019Lors de l’élection présidentielle controversée d’octobre 2018, l’Union européenne n’avait pas envoyé d’observateur international au Cameroun. Après la réélection pour un septième mandat du président Paul Biya, une crise post-électorale s’est même installée, aboutissant à une série de manifestations de l’opposition et à l’arrestation, fin janvier 2019, du président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun, Maurice Kamto.
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Crise sécuritaire
En plus de la crise post-électorale, le Cameroun est aussi confronté à une crise sécuritaire avec le conflit qui secoue les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Un an après la présidentielle cette situation n’a pas changé. Les tragédies se multiplient et les violations des droits humains se poursuivent.
Changement de ton
Pour autant, on assiste en général à un changement de ton au niveau international contre le régime de Yaoundé. Ce qui fait dire au politologue Pierre Nka que Paul Biya a réussi un coup avec le "Grand dialogue national".
"Ce qu’on peut constater, c’est que le président est redevenu fréquentable. Vous savez, aller à Lyon comme il est allé la dernière fois, c’est quand même quelque chose. Et quelques jours après la visite de Lyon, on a vu bien que le ministre français des affaires étrangères est arrivé à Yaoundé. Il est arrivé à Yaoundé au moment où le président de la République s’apprêtait aussi à aller à une autre grand-messe internationale : le sommet de Sotchi en Russie. Malheureusement, il n’a pas pu faire le déplacement. Donc, en termes d’images, le président de la République a réussi à se repositionner sur la scène internationale", explique-t-il.
Offensive diplomatique
Depuis le grand dialogue national, Paul Biya reçoit ainsi de plus en plus des diplomates étrangers. Il envoie ses proches à travers le monde, comme ce fut le cas récemment, lors de l’intronisation du nouvel empereur Naruhito au Japon.
Selon Pierre Nka, Paul Biya reste maître du jeu camerounais parce qu’il contrôle toujours le système qu’il a façonné depuis son accession au pouvoir en 1982. Il prend pour exemple le rétropédalage du président camerounais dans l’affaire du Terminal à conteneur du port de Douala, concédé à l'homme d'affaire français Bolloré.
Maurice Kamto et les sécessionnistes
Mais certains analystes estiment que le président Paul Biya pourrait être confronté à la résistance qu’affichent le leader du MRC, Maurice Kamto, et ses partisans, qui maintiennent la pression dans la rue.
Autre problème pour le président : la crise dans les deux régions anglophones du pays et la détermination affichée des leaders sécessionnistes qui ne renoncent pas à leurs revendications séparatistes.
"Les sécessionnistes ou nos compatriotes de la partie anglophone ont fait une corbeilles de revendications, sur lesquelles nous avons travaillé avant le dialogue, pendant le dialogue et on va continuer à travailler après le dialogue. Quand je dis « nous », je veux dire la communauté nationale. Et le résultat le plus manifeste de la reconnaissance nationale, c’est qu’on leur a accepté d’avoir un statut spécial", explique le géostratège, Joseph Vincent Ntounda Ebodé.
Un autre bémol concernant le rayonnement du Cameroun de Paul Biya : l’annonce, vendredi 1er novembre, de l’exclusion du pays du système commercial préférentiel avec les États-Unis (AGOA).
Pas de quoi ruiner le moral de "l’homme-lion" comme certains le surnomment. Il prépare, dit-on dans son entourage, un nouveau voyage en France, pour un sommet sur les questions de sécurité dans la golfe de Guinée, prévu en cette fin d’année.